L'Ennemi de la classe
Razredni sovraznikn
Slovénie, 2015
De Rok Bicek
Durée : 1h52
Sortie : 04/03/2015
À l’arrivée de leur professeur principal remplaçant, une classe de sympathiques lycéens se trouve confrontée à une discipline accrue et à un enseignement plus austère. Ce professeur d’allemand concentre vite toutes les critiques. Les élèves mènent ouvertement la fronde. La tension monte, et quand une jeune fille de la classe se suicide, la responsabilité du professeur parait indiscutable aux yeux de ses camarades. L’escalade des provocations ne fait alors que commencer, laissant les autres enseignants dépassés par les événements et les élèves face à toutes leurs violentes contradictions.
UNE EDUCATION
Des élèves se rebellent face à un professeur qui utilise l’autorité et la terreur pour les pousser à se dépasser… ça vous rappelle quelque chose ? Il est presque dommage que L’Ennemi de la classe sorte chez nous peu de temps après Whiplash, qui utilise des figures similaires. Mais L’Ennemi de la classe a été réalisé avant l’Américain, et si sa sortie a nécessité plus de temps, cela lui a permis de récolter de nombreux prix en festivals. Surtout, les deux films sont de toute façon suffisamment différents pour que la comparaison s’arrête là. A première vue, le lycée en question ressemble tellement au pays des Bisounours qu’on le croirait presque sorti d’un fantasme de série télé française. On s’y fait des cadeaux entre profs et élèves, en dépit de tout réalisme. Puis intervient le fameux professeur remplaçant : sévère, austère et cassant, au point de se mettre sa classe à dos en très peu de temps. Au point que, lorsque l’une des filles de la classe se suicide, la classe estime qu’il en est responsable. Pourtant, malgré tout ça, il n’y a rien de manichéen dans L’Ennemi de la classe.
Qui est le personnage principal ? Personne, c’est un film de groupe. Alors en tant que spectateurs, de quel côté sommes-nous dans ce face-à-face ? Aucun, car le film ne tranche jamais. Ce n’est quand même pas rien que de faire tenir un film sur cette double pirouette. L’Ennemi de la classe n’a pas l’angélisme de prétendre que tout le monde a raison, il démontre même l’inverse avec mauvais esprit : tout le monde à tort. Les élèves sont un peu trop prompts à traiter leur prof de nazi, et les autres professeurs se montrent très limités, voire irresponsables, dans leurs différentes méthodes éducatives. Plutôt que de savoir si le prof en question est bel et bien lié au suicide de son élève (la question est finalement éludée), le suspens du film se trouve ailleurs : si chaque méthode éducative a ses failles, comment faire pour éduquer et apprendre ? Comment se parler ?
L’Ennemi de la classe privilégie la nuance au stress éprouvant, quitte à perdre en subtilité au moment de dépeindre les mécanismes des effets de groupe, ou lorsque débarquent les parents (version adulte des travers de leurs enfants). Le film conserve néanmoins une étrange lucidité. Avec un temps d’avance sur ses personnages, il avance inéluctablement vers sa conclusion amère : lorsque s’installe un rapport de force entre élèves et éducateurs, tout le monde en ressort perdant. C’est peut-être là-dessus que le film dame le pion à Whiplash…