The Complex
Asuka, une étudiante infirmière, vient d’emménager avec sa famille dans un grand immeuble collectif. Très rapidement, des sons étranges se font entendre depuis l’appartement voisin occupé par un homme âgé et solitaire. Préoccupée par le bien-être du vieillard, elle se rend chez lui et le retrouve mort de malnutrition...
LA COULEUR DES SENTIMENTS
A la fin des années 90, Hideo Nakata (lire notre entretien) ne signe pas seulement un gros succès avec Ring: il réveille un genre et ses fantômes dont les conquêtes iront à travers le monde. Un talent confirmé par Dark Water, et voilà Nakata estampillé maître du genre. Pourtant, si Nakata admire Nobuo Nakagawa, il est aussi un amoureux de Lettre à une inconnue. Dark Water, déjà, était un mélodrame déguisé en film d'horreur, en opposition à Ring qui tient du plus du pur ride à frissons. Dans Dark Water comme dans The Complex, il y a quelque chose de pourri derrière les apparences paisibles, un charme vénéneux qui s'échappe des fleurs rouges que le réalisateur filme à plusieurs reprises. L'inquiétante étrangeté, dans le nouveau film du cinéaste, s'invite d'ailleurs à une table de petit déjeuner. Même à l'abri, les personnages de Nakata sont vulnérables. Le mal s'insinue comme une infiltration dans Dark Water, traverse la télévision dans Ring, gratte le mur jusqu'à le fendre dans The Complex: pas moyen d'y échapper. Car finalement ce ne sont pas tant les lieux qui sont hantés, mais l'esprit des personnages.
A l'opposé du traitement gris-austère (et glauquissime) de Ring, ou de la pluie jaunâtre qui recouvre Dark Water, The Complex brille de toutes les couleurs, rappelant le traitement visuel d'un film comme Kaidan (la photo de ces films est signée par le génial Junichiro Hayashi, également chef o' de Kiyoshi Kurosawa). Mais là où Kaidan était un exercice de style et un bien bel hommage, Nakata utilise cette explosion chromatique autrement. Pur trip formaliste, The Complex est un mélodrame qui est raconté autant, si ce n'est plus, par sa mise en scène que par son scénario (inégal). Le fantôme de l'appart d'à côté n'est qu'un MacGuffin, le film dévie à mi-chemin, mais la mise en scène suit sa route. The Complex raconte un basculement progressif vers la folie. Les couleurs (bleu ! vert ! jaune !) sont d'abord parfaitement ordonnées. Puis elles saturent, vacillent, clignotent au rythme de la déchéance de l'héroïne. Le climat glauque et crépusculaire laisse place dans le dernier tiers à un délire visuel multicolore. Dans les autres films de Nakata, les souvenirs (les enfants oubliés de Ring ou Dark Water) contaminaient les personnages. Là, c'est directement la mise en scène qui est contaminée. The Complex s'achemine vers un dénouement fascinant d'un point de vue plastique, où l'appart devient un espace abstrait, mental, plongé dans une lumière scintillante qui luit sur les murs. L'espace d'un plan (un visage rouge, comme enflammé), Nakata rappelle le delirium psychédélique de House de Obayashi. Le film ne fait pas si peur et a des faiblesses narratives. Mais on n'attendait pas forcément le réalisateur sur ce mariage déroutant de fantômeries classiques et d'expériences visuelles tripantes.