Jodorowsky's Dune

Jodorowsky's Dune
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Jodorowsky's Dune
États-Unis, 2013
De Frank Pavich
Durée : 1h23
Sortie : 16/03/2016
Note FilmDeCulte : *****-
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Ce documentaire tourné entre la France, l’Angleterre, la Suisse et les États-Unis raconte la tentative d’adaptation don quichottesque du roman de science fiction Dune par le réalisateur Alejandro Jodorowsky (El Topo, La Montagne sacrée, Santa Sangre) en 1974. Après 2 ans et des millions de dollars de dépenses, ce projet pharaonique tomba finalement à l’eau. Cependant les artistes réunis par Jodorowski autour de ce projet légendaire continuèrent à travailler ensemble. Ce groupe, ces « guerriers » comme les a surnommés Jodorowski, a défini la science fiction dans le cinéma moderne en oeuvrant sur des films tels qu’Alien, Blade Runner, La Guerre des étoiles ou encore Total Recall.

LA FOLIE DES GRANDEURS

Qu’on se le dise, la comédie la plus hilarante du Festival de Cannes 2013 est un documentaire. Jodorowsky’s Dune est à la fois passionnant, émouvant et hilarant. Et la plupart du temps les trois à la fois. Passionnant car le film raconte une histoire complètement dingue : les longues années passées par Alejandro Jodorowsky à préparer en vain son adaptation du roman culte de Frank Herbert. Or, dès le départ, le cinéaste admet lui-même que ce projet ne pouvait être que pharaonique, Jodorowsky parle même d’ « objet sacré ». A l’époque (après 2001, l’Odyssée de l’espace mais avant Star Wars), la popularité de Jodorowsky était alors à son comble, la carte blanche qui lui est laissée sur ce projet colle à sa démesure : budgets colossaux, casting de stars ridiculement cher (d’Orson Welles à Mick Jagger en passant par… Amanda Lear !), durée envisagée de 12 heures... C’est cette folie, cachée derrière chaque décision et chaque détail du film, qui rend rétrospectivement l’entreprise aussi dingo, et ce documentaire aussi hallucinant.

Mais le film ne se contente pas de raconter platement une course aussi folle. Frank Pavich a passé trois ans à interviewer Jodorowsky et son équipe, et a eu accès à des documents d’époque rarissimes, tel que le storyboard intégral imaginé par Moebius et les dessins préparatoires de H.R. Giger. Si Jodorowsky’s Dune n’est pas un documentaire figé, c’est aussi évidemment grâce à son humour. Il serait trop long (et dommage) de lister ici les nombreux passages tordants du film, dus autant à l’excentricité de certains intervenants qu’à l’improbabilité des anecdotes racontées. Pour ceux qui avaient vu le passionnant documentaire sur Shining, Room 237 (déjà sélectionné à la Quinzaine l’an dernier), c’est un peu comme si toutes les théories farfelues étaient à nouveau racontées, sauf qu’ici tout a vraiment eu lieu. Il faut dire que, assez curieusement, tout cela baigne dans une joyeuse absence d’amertume. Malgré les regrets et les années de recul (qui lui permettent de se moquer un peu de sa propre folie des grandeurs), Jodorowsky fait preuve d’un enthousiasme encore très vif et contagieux.

Et pourtant le documentaire de Frank Pavich est aussi émouvant. D’une part par l’impression d’immense gâchis qui se dégage de tout cela. Le projet se trouvait à un état de préparation particulièrement avancé lorsqu’il fut abandonné au bout de plusieurs années : les décors étaient quasi-construits, les interprètes choisis et les contrats prêts à être signés. Emouvant, le documentaire l’est aussi dans sa manière de prendre malgré tout son sujet très au sérieux. Le Dune de Jodorowsky est un film qui n’existe pas et pourtant il a bel et bien eu une influence, une descendance cinématographique, et même des fans. Paradoxalement, le film est peut-être même plus aimé que la version définitive confiée à Lynch ! Ce que Pavich parvient à prouver avec son film, c’est que finalement Jodorowsky a presque réussi son coup : il a bel et bien créé une œuvre monstre et culte. En nous donnant à toucher du doigt ce non-film, Jodorowsky’s Dune nous parle finalement de l’amour fou que peut susciter le cinéma, que l’on soit d’un côté ou l’autre de la caméra. Passionnant du début à la fin.

par Gregory Coutaut

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