Jimmy's Hall
Evocation du destin de Jimmy Gralton, leader communiste irlandais qui émigra aux Etats-Unis en 1909, avant de revenir dans son pays et d'y créer en 1921 un dancing. A cause des réunions politiques organisées dans ce lieu, les communistes et l'Eglise catholique s'affrontèrent violemment. Jugé indésirable, Jimmy Gralton fut déporté en Amérique en 1933 -cas unique dans l'histoire du pays...
LES GENTILS CONTRE LES MECHANTS
Combien d’années cela fait-il maintenant que le cinéma de Loach n’a pas évolué et se repose sur des formules convenues et déjà vues ? A l’image de tous ses deniers films, Jimmy’s Hall obéit à une recette tellement programmatique qu’on le dirait écrit et réalisé en pilote automatique. Amateur de surprise, passe ton chemin. On dit de certains réalisateurs qu’ils font toujours le même film, ce qui selon les cas est une insulte ou un éloge. Le problème chez Loach n’est pas tant la répétition en soi que l’affaiblissement progressif de la formule de base, devenue une sorte de carte de visite cache-misère. Car il y pire dans Jimmy’s Hall que l’absence de surprise : c’est la scandaleuse absence de nuances. Le scénario se repose tellement sur l’idée extra-filmique que le spectateur sera forcément, irrémédiablement et d’emblée du côté du héros (comme si un héros de Loach pouvait être autre chose qu’héroïquement gentil) qu’il en oublie d’en faire un vrai personnage. L’absence de scènes d’exposition est tellement surprenante qu’on jurerait que certaines scènes indispensables ont été oubliées au montage. Tous les personnages sont alors figés dans des postures stéréotypées et superficielles, transformés en marionnettes simplistes dans cette guerre des gentils contre les méchants.
« You make it sound so real » répond, émue, une jeune fille à qui on vient de lire un poème. C’est le reproche strictement inverse que l’on peut faire à Jimmy’s Hall, car ce ne sont jamais les faits relatés qui y choquent (alors qu’ils devraient) mais la part de cinéma que Loach y injecte, celle-ci étant désespérément faible et bancale. Les opposants à Jimmy et sa bande deviennent des gnafrons pathétiques à la violence ridiculement disproportionnée (ils sortent les flingues au bout d’une phrase dès leurs premières scènes), sans que jamais le scénario ne juge utile de prendre le temps de nous expliquer sérieusement leur point de vue. Non, non, ils ont tort, tout simplement et intégralement. Alors que les gentils sont toujours gentils, jusqu’à l’absurde, quitte à tendre l’autre joue, offrir du thé à ses agresseurs et à devenir bêtes à manger du foin. Il faut dire que méchants et gentils ne sont pas aidés par des dialogues dont chaque ligne est une déclamation, une note intention bien surlignée comme il faut. C’est tout le film qui finit par marteler son propos sans bémol ni variété, tellement sûr de son bon droit qu’il en oublie de faire du cinéma. Ou si peu, le temps de se vautrer dans des clichés sur l‘humour-solidaire-qui-sauve-et-répare-tout, le temps de quelques scènes humoristiques dignes de Benny Hill où un flic grassouillet se retrouve coincé dans l’embrasure d’une fenêtre.