I Carried You Home
Padang besar
Thaïlande, 2012
De Tongpong Chantarangkul
Scénario : Tongpong Chantarangkul
Durée : 1h40
Une mère vient rendre visite à sa fille cadette Pann à Bangkok. Mais cette dernière préfère lui mentir plutôt que de passer du temps avec elle. De retour chez ses amis, Pann reçoit un appel éploré de sa tante qui l’informe que sa mère est dans le coma suite à un terrible accident. Pann contacte alors sa sœur aînée Pinn, laquelle s’est enfuie après son mariage pour vivre à Singapour et commencer une nouvelle vie loin des contraintes familiales. Toutes deux sont alors forcées de passer du temps ensemble et de s’ouvrir petit à petit l’une à l’autre.
LE RETOUR
Tout un pan du jeune cinéma d'auteur thaïlandais, de Sivaroj Kongsakul (Eternity, vainqueur à Deauville l'an passé) à Aditya Assarat (Wonderful Town, Hi-So) en passant par Anocha Suwichakornpong (Mundane History) a pour particularité de choisir des récits ultra minimalistes aux échos spirituels et/ou fantastiques (Kongsakul et Assarat) voire métaphysiques (Suwichakornpong). Comme chez Weerasethakul, l'absence de péripéties ne signifie pas que, d'un point de vue humain, il ne se passe rien, bien au contraire. A première vue, Tongpong Chantarangkul semble s'éloigner de ces choix expérimentaux pour s'orienter vers une mécanique plus classique. I Carried You Home raconte d'abord un trajet, de l'hôpital où une femme est morte à son village, d'un point A à un point B. Le deuil est un enjeu immédiatement identifiable du scénario (là où les récits des compatriotes cités précédemment se font parfois plus elliptiques, plus mystérieux), doublé par un autre enjeu: la relation conflictuelle entre deux sœurs. Pour le coup, il se passe littéralement quelque chose dans I Carried You Home: mort, conflit, déplacement, drame. Et pourtant, pendant un long moment, il ne semble rien se passer: mise en scène quelconque et sans regard, image uniformément terne, personnages monolithiques, dolorisme amorphe. Le temps s'écoule parfois jusqu'à l'auto-indulgence, à l'image d'un arrêt de nuit parfaitement superflu. Mais peu à peu, cette obstination intrigue. De cet entêtement, à mesure qu'on s'approche de la destination, naît une tension.
Aux deux tiers du long métrage surgit un plan enfin surprenant: le balayage en plan séquence d'une scène où trône la mère, chantant un morceau au karaoké du coin. Tandis que la caméra arrive sur le public, un grand bruit retentit, et dans une posture douloureusement tragicomique, on découvre la scène écroulée, et la mère morte avec. I Carried You Home parvient peu à peu à toucher lorsqu'il s'échappe de son armure de mélo autiste et monochrome: la caméra attentive à toute chose dans le village natal, les héroïnes retrouvant les lieux qu'elles ont connus, un peu de vie au bout de ce chemin de mort. Et une certaine grâce dans la façon d'enfin imaginer une paix. A l'issue de ce film inégal, restent quelques promesses.