Hunger Games
États-Unis, 2012
De Gary Ross
Scénario : Suzanne Collins, Billy Ray, Gary Ross d'après le roman de Suzanne Collins
Avec : Elizabeth Banks, Woody Harrelson, Liam Hemsworth, Josh Hutcherson, Lenny Kravitz, Jennifer Lawrence
Photo : Tom Stern
Musique : James Newton Howard
Durée : 2h22
Sortie : 21/03/2012
Chaque année, dans les ruines de ce qui était autrefois l'Amérique du Nord, le Capitole, l'impitoyable capitale de la nation de Panem, oblige chacun de ses douze districts à envoyer un garçon et une fille - les "Tributs" - concourir aux Hunger Games. A la fois sanction contre la population pour s'être rebellée et stratégie d'intimidation de la part du gouvernement, les Hunger Games sont un événement télévisé national au cours duquel les tributs doivent s'affronter jusqu'à la mort. L'unique survivant est déclaré vainqueur. La jeune Katniss, 16 ans, se porte volontaire pour prendre la place de sa jeune sœur dans la compétition. Elle se retrouve face à des adversaires surentraînés qui se sont préparés toute leur vie. Elle a pour seuls atouts son instinct et un mentor, Haymitch Abernathy, qui gagna les Hunger Games il y a des années mais n'est plus désormais qu'une épave alcoolique. Pour espérer pouvoir revenir un jour chez elle, Katniss va devoir, une fois dans l'arène, faire des choix impossibles entre la survie et son humanité, entre la vie et l'amour...
LA FAIM JUSTIFIE LES MOYENS
Avec son concept rappelant l'excellent Battle Royale, cette franchise en devenir avait de quoi attirer l'attention, sur le papier. La bonne réputation de la trilogie de livres promettait d'emblée une licence plus intéressante que Twilight. Malheureusement, si Hunger Games s'avère sans difficulté supérieur aux amourettes de vampires et de loups-garous pour pisseuses, on n'est pas devant le nouveau Harry Potter. On pourrait rechigner d'avance face à la durée du film mais ce genre d'adaptation nécessite souvent de s'octroyer une longueur épique pour raconter une histoire, notamment quand l'univers est dense et surtout quand il s'agit de s'attarder suffisamment sur les personnages pour que l'on s'investisse. Ainsi, la démarche de Gary Ross (Pleasantville) est tout à fait louable, passant littéralement la moitié des 2h22 du métrage à présenter ce futur dystopique avant de plonger dans les jeux en eux-mêmes. Le problème, c'est qu'on passe une heure à attendre que les jeux se décident enfin à débuter et une fois qu'on est dedans, on en vient à préférer ce qui nous était montré avant. Dans les toutes premières séquences du film, Ross expose l'un des douze "districts" de Panem, une Amérique post-rébellion ratée où les vaincus vivent dans la pauvreté. La sensibilité proche du cinéma indépendant de la mise en scène, avec sa caméra portée et sa photo "naturaliste", parviennent à conférer une certaine authenticité à l'univers. Seulement, une fois qu'on part pour Le Capitole, le récit opte pour une vulgarité franchement dispensable dans la description des "riches", avec leurs coiffures et costumes pas possibles. Par ailleurs, les effets spéciaux malheureux de ces séquences rajoutent au côté factice du portrait. L'opposition entre les deux mondes marche, forcément, vu comme elle est simplifiée, mais n'est jamais vraiment explorée. Et c'est un peu le souci général du film, qui raconte bien de A à Z sa petite histoire, mais qui semble passer à côté de son sujet, n'exploitant jamais vraiment le concept d'un point de vue social alors que tout est là, qu'il s'agisse de la satire des médias ou de la lutte des classes. Tant et si bien que lors du deuxième acte, quand, suite à la mort d'un des participants, éclate une rébellion dans un des districts, on a du mal à y croire. Il manque l'évolution qui justifierait que le feu soit mis aussi rapidement aux poudres. Une fois que les jeux ont commencé, on passe trop de temps dedans, sans que le monde autour n'évolue. Cette focalisation interne, proche des protagonistes, aurait pu suffire si les autres candidats des jeux étaient un tant soit peu approfondis. Mais on a à peine le temps de connaître certains personnages secondaires qu'ils crèvent aussitôt. Jamais le meurtre d'enfants n'avait eu aussi peu de poids dans un film. La faute en revient aussi à des méchants trop méchants et donc sans intérêt. De plus, les jeux en soi sont plutôt décevants. L'action est filmée de trop près, trop confuse, et de grosses facilités dans l'écriture servent à faire avancer les choses, abusant de deus ex machina parfois littéraux (cf. les molosses). On se raccroche donc au jeune tandem principal, incarné par les toujours très talentueux Jennifer Lawrence (Winter's Bone, X-Men, le commencement) et Josh Hutcherson (Le Secret de Terabithia, The Kids Are Alright) ainsi qu'à certaines idées (le chant de l'oiseau, le camouflage, les sponsors). En fin de compte, il est assez dommage de constater que, malgré le savoir-faire formel et narratif, et un univers pour le moins séduisant, Hunger Games nous laisse sur notre faim.