Hédi, un vent de liberté
Tunisie, 2016
De Mohamed Ben Attia
Scénario : Mohamed Ben Attia
Durée : 1h28
Sortie : 28/12/2016
Kairouan en Tunisie, peu après le printemps arabe. Hedi est un jeune homme sage et réservé. Passionné de dessin, il travaille sans enthousiasme comme commercial. Bien que son pays soit en pleine mutation, il reste soumis aux conventions sociales et laisse sa famille prendre les décisions à sa place. Alors que sa mère prépare activement son mariage, son patron l’envoie à Mahdia, une ville côtière, à la recherche de nouveaux clients. Hedi y rencontre Rim, animatrice dans un hôtel local, femme indépendante dont la liberté le séduit. Pour la première fois, il est tenté de prendre sa vie en main.
HEDI STEADY GO
Le premier plan de Hedi montre le héros éponyme en train de faire son nœud de cravate : un geste quotidien qui, une fois le film vu, tient davantage du déguisement revêtu avec résignation. Car Hedi est plutôt du genre à dessiner sur son carnet de notes lors des réunions de travail. C'est un rêveur – et les temps sont durs pour les rêveurs. Hedi fait la gueule comme un ado, et s'est laissé écrasé par les autres (sa mère, son frère, son boss) qui ont toujours choisi pour lui. Hedi n'a pas pour autant toutes les excuses du monde et c'est ce qui rend le personnage intéressant. Mohamed Ben Attia (lire notre entretien) signe ici son premier film, et se distingue par une remarquable qualité d'écriture. Le film trouve un équilibre pas évident entre la tendresse et la cruauté et évite tout manichéisme. Hedi est un (anti)héros vivant dont le cœur bat fort – comme celui du spectateur devant le film – et il n'a pas à faire face à des marionnettes de méchants. Les choix ne sont pas faciles et il est ici question d'apprendre la différence subtile entre un doux rêve et un projet de vie.
Deux bonnes fées se sont penchées sur le sort d'Hedi : les frères Dardenne, qui sont arrivés sur le projet une fois le scénario écrit, et qui ont coproduit le long métrage. Comme dans les meilleurs films des cinéastes belges, il y a dans Hedi une tension et un suspens palpables alors même qu'il ne s'agit pas d'un thriller. Le suspens est ici amoureux et palpitant – et le voir jugé à la Berlinale par l'actrice de Sur la route de Madison a quelque chose de croustillant. Si les dilemmes d'Hedi sont universels, le film se déroule bel et bien en Tunisie. Toujours finement, Ben Attia évoque les événements récents (« après ce qui s'est passé », avance l'héroïne) sans tourner au film-thèse. Avec cet étonnant portrait masculin, le film change également de ces nombreux portraits de femmes en souffrance venus des pays arabes et où le rôle des hommes est souvent monolithique – en tout cas beaucoup plus pauvre. Hedi émeut, égaré dans le désert comme dans un hôtel club aseptisé. Si le film aurait pu avoir formellement plus de personnalité, il constitue une humble et forte réussite, un crowd-pleaser comme un crève-coeur.