Heartstone
Hjartasteinn
Islande, 2016
De Gudmundur Arnar Gudmundsson
Durée : 2h09
Sortie : 27/12/2017
Dans un village de pêche isolé au fin fond de l’Islande, deux adolescents, Thor et Christian, vivent un été mouvementé. Tandis que l’un essaie de conquérir le cœur d’une jeune fille, l’autre se découvre éprouver de nouveaux sentiments envers son meilleur ami. À la fin de l’été, lorsque la nature semble brutalement reprendre ses droits dans l’île, il est alors temps de quitter l’enfance et, pour les deux jeunes garçons, d’accepter d’entrer dans l’âge adulte.
HOT'N'COLD
Heartstone, premier film du réalisateur islandais Gudmundur Arnar Gudmundsson, est une chronique adolescente douce-amère, située dans des paysages nordiques eux-mêmes à la fois dramatiques et apaisants. D'une certaine manière, le film entier repose sur cet équilibre bipolaire. A la fois attachant et étouffant, tendre et brutal. Comme un cœur... de pierre. Le film suit le quotidien d'une bande de jeunes adolescents qui s'ennuient dans leur campagne loin de la capitale. Pas encore assez matures pour vivre avec assurance leurs premiers émois, mais pas dupes non plus d'être déjà trop vieux pour les jeux enfantins auxquels ils continuent de se livrer, comme des rituels de groupe. Heartstone pourrait presque se contenter de s'arrêter là, de nous faire le récit à la fois programmatique et confortable de ces émouvants souvenirs d'enfance, où l'on écoute les Sugarcubes et Emiliana Torrini en jouant à action ou vérité en cachette, où dès qu'on s'échappe par la fenêtre de sa chambre, on se retrouve face à d'immenses couchers de soleil roses. Il pourrait, car les acteurs étant justes, toute cette partie-là est au final très efficace.
Mais Gudmundsson a une autre idée en tête, une noirceur qu'il ne veut pas éluder. Tous ces jeunes personnages cachent une réelle souffrance familiale et, plus surprenant, quasiment tous ces gamins (à l'exception du jeune que l'on devine homosexuel), développent à leur tour un comportement toxique et violent les uns envers les autres. Sans que rien ne soit surligné ou expliqué, on remarque bien que derrière les jeux en groupe se cachent des humiliations cinglantes, du harcèlement quotidien et cuisant. Ce parti pris du réalisateur est gonflé, car sans jamais être éprouvant, certaines scènes sont tout de même étonnamment anxiogènes et acides. Le personnage gay de Heartstone n'est pas le protagoniste, et pourtant le film parvient à retranscrire avec une vraie justesse, même à travers les autres personnages, l'expérience ambivalente, parfois anxiogène, d'être dans le placard au milieu d'ados hétéros.
A tel point qu'on se demande par moments pourquoi ce personnage reste au second plan, au profit d'un protagoniste hétéro dont les petits malheurs pèsent quand même un peu moins lourd en comparaison. Ce point en particulier, qui devient de plus en plus difficile à éluder à l'approche du dénouement, est peut être la limite d'un film qui demeure néanmoins singulier, à la fois chaleureux et âpre. Heartstone caresse et prend à rebrousse poil en même temps. On en ressort sans plus trop savoir sous quel pied danser, mais combien de films peuvent se vanter d'une telle pirouette ? Au final, on retient surtout l'émotion rare et contagieuse qui se dégage de ces portrait d'ados.