Hanezu, l'esprit des montagnes

Hanezu, l'esprit des montagnes
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Hanezu, l'esprit des montagnes
Hanezu no Tsuki
Japon, 2011
De Naomi Kawase
Scénario : Naomi Kawase
Avec : Tôta Komizu, Yoko Oshima
Photo : Naomi Kawase
Musique : Hashiken
Durée : 1h31
Sortie : 01/02/2012
Note FilmDeCulte : ******
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Il y a bien longtemps, les gens croyaient que Mt. Unebi, Mt. Miminashi, et Mt. Kagu, trois montagnes, étaient habitées par des dieux. Ces montagnes sont toujours là. En ce temps, un puissant homme d’affaire avait comparé les montagnes à la bataille qui se livrait en son propre cœur. Les montagnes étaient une expression du karma humain. Le temps a évolué au présent. Takumi et Kayoko, héritant des espoirs déchus de leurs grand-parents, passent leur vie. Leur histoire est universelle, à l’image des âmes innombrables qui se sont accumulées sur cette terre.

NATURE ET DÉCOUVERTES

Lorsqu'elle étudie la photographie, à la fin des années 80, Naomi Kawase ouvre la première porte de ce qui constituera son oeuvre cinématographique, portée par le désir de saisir l'instant, le lieu, la fugacité d'un sentiment avant que le temps ne les aspirent. En remède à cette angoisse, il y a son hyper sensibilité, son attention aux choses, un regard qui fait de Suzaku, Shara ou La Forêt de Mogari autant de merveilles. Hanezu radicalise ce qui a jusqu'ici fait ses films. A force d'observer la nature, les arbres de La Forêt de Mogari, les montagnes de Suzaku, Kawase finit par voir au travers. Hanezu débute par des images de roche, de terre creusée, en quête de mémoire du sol. Qu'a t-elle à transmettre? Ses souvenirs, son histoire. Les défunts sortent du sol, fantômes aux côtés de leurs sépultures et qui enfin retrouvent les vivants, comme un prolongement des albums photos que les anciens chérissent et montrent à leur fils. Qu'a t-elle à enseigner? La fragilité de ce qu'on croit invincible, éternel et souverain.

Le présent semble pourtant hors du temps dans Hanezu. On ne s'y déplace qu'à vélo ou à pieds, on se nourrit des fruits de la région, soumis aux cycles de la lune, leitmotiv visuel du long métrage. Takumi et Kayoko, les personnages principaux, personnalisent l'équilibre et l'harmonie. Ils se font la cuisine (et on sait qu'on cuisine toujours beaucoup chez Naomi Kawase), rien ne semble perturber la quiétude de tous les instants. Malgré tout, les pulsions morbides viennent percer l'éden en un cauchemar. La nature, encore plus que dans les précédents longs métrages de Kawase, est dramatisée et figure ce basculement. Peinture d'un paradis d'abord, de fleurs colorées, de brindilles sur laquelle perle la rosée, de vallées splendides. Mais, comme tout en ce monde, la beauté est fragile. Les pluies sont torrentielles quand le drame se trame. Le plan récurrent d'arbres endormis dans Suzaku ou Mogari trouve un écho tourmenté lorsqu'on filme ici des arbres écrasés par la tempête. "Je pense que la souffrance des gens dans les sociétés modernes est liée à notre incapacité à admettre que nous sommes un élément de la nature parmi d'autres", indique la réalisatrice.

Ainsi, une blessure de Kayoko et tout est emporté, en un souffle. Il ne se passe rien dans Hanezu, le tragique s'invite alors même qu'il ne s'est, au final, rien passé, mais pourtant tout importe, comme dans les précédents films de Kawase. Un "je suis enceinte" est presque traité comme une anecdote, à l'image de la scène de révélation familiale dans Shara. Depuis la nuit des temps, nous raconte t-on, les montagnes sont amoureuses, s'aiment et se mettent en colère, comme la nature s'éveille et se révolte. A l'heure des événements subis par le Japon ces derniers mois, Hanezu apporte un saisissant éclairage, convoquant la vénération et les craintes désormais oubliées de la nature, mettant en relation le traitement concret de cette dernière face au traitement abstrait des personnages. Une fois que tout est détruit, il reste encore, dans un coin de la maison, quelques oisillons qui viennent de naître dans leur nid.

par Nicolas Bardot

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