Cannes 2014: Grace de Monaco

Cannes 2014: Grace de Monaco
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Grace de Monaco
Grace of Monaco
États-Unis, 2013
De Olivier Dahan
Avec : Nicole Kidman
Sortie : 14/05/2014
Note FilmDeCulte : **----
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Lorsqu'elle épouse le Prince Rainier en 1956, Grace Kelly est alors une immense star de cinéma, promise à une carrière extraordinaire. Six ans plus tard, alors que son couple rencontre de sérieuses difficultés, Alfred Hitchcock lui propose de revenir à Hollywood, pour incarner Marnie dans son prochain film. Mais c'est aussi le moment ou la France menace d'annexer Monaco, ce petit pays dont elle est maintenant la Princesse. Grace est déchirée. Il lui faudra choisir entre la flamme artistique qui la consume encore ou devenir définitivement : Son Altesse Sérénissime, la Princesse Grace de Monaco.

LA TEMPETE EN MOI

Sur le papier, on ne sait plus laquelle des recettes de Grace de Monaco semble la plus évidente, la plus frappée au coin du bon sens. Plus encore que l’équation Cannes + Nicole Kidman, c’est peut-être l’alliance d’une des plus grandes actrices hollywoodiennes et du retour au biopic de l’auteur du méga-populaire La Môme autour du destin doré d’une princesse, qui semble à l’avance pétiller et mettre l’eau à la bouche comme un champagne de luxe. Quel grain de sable venu se glisser dans cette recette magique fait que cette Grace là a plutôt le goût d’un mousseux éventé ? Pas Nicole en tout cas, car si le rôle n’apporte rien de neuf à sa carrière et son incroyable éventail de jeu, c’est encore elle qui s’en sort le mieux ici. Il faut dire que face à un Tim Roth qui joue toutes ses scènes de la même manière (œil plissé si mystérieux), une Parker Posey qui joue les intrigantes de pacotille ou Frank Langella déguisé en Don Patillo, ce n’est pas très surprenant.

La faute avant tout à un scénario superficiel, où chaque dialogue se doit d’être explicatif, où chaque personnage semble arriver dans une scène en déclamant sa note d’intention intérieure, et où surtout l’intrigue politique est grotesquement simplifiée. Grace de Monaco n’atteint pas les sommets de révisionnisme de La Dame de fer, mais ce spleen de princesse dans sa cage dorée rappelle beaucoup moins Marie-Antoinette, qu’Evita (le kouglof musical avec Madonna) par sa manière d’amalgamer pirouettes amoureuses et géopolitique sans habileté. D’ailleurs tout le monde ici pourrait aussi se mettre à chanter que cela ne ferait pas beaucoup de différence, tant tout parait toc et arbitraire, tant le film ne donne jamais l’impression de voir autre chose que des acteurs faire des essayages costumes plutôt que d’incarner des personnages.

Mais Grace Kelly n’est pas Eva Peron, du moins pas selon le point de vue de Dahan. Devant sa caméra, la star devenue princesse devient un personnage scandaleusement lisse et fade, qui n’a plus rien de subversif. Le boycott du film, réclamé par le Rocher au nom du respect et du droit à la dignité, apparaît comme un coup d’épée dans l’eau car il n’y a strictement aucune allusion ici aux pourtant célèbres frasque sexuelles de la princesse. N’importe quelle photo de Charlene Wittstock, la nouvelle princesse de Monaco qui a toujours l’air au bord de la dépression depuis son mariage, fait en soi plus de mal à l’image de la famille royale. Grace est ici au contraire héroïsée, béatifiée jusqu’à en devenir béate. Incapable de faire autre chose que tergiverser. Une image confirmée par une mise en scène qui empêche chacun des personnages de prendre son souffle et d’exister, les enfermant dans des postures artificielles, les réduisant à des reproductions pour papier glacé.

Et pourtant Grace de Monaco n’est pas La Môme 2. D’abord parce que Nicole Kidman a un jeu plus en retenue que Marion Cotillard (que les mimiques et le maquillage faisait parfois virer au grotesque), et que le personnage se prête moins aux épanchements, mais surtout parce que le rouleau-compresseur mélodramatique laisse ici place à un ensemble resserré, digeste, et facile à regarder au point d’en devenir superficiel. Les images de Dahan sont illustratives avant tout, et restent vaines à tel point qu’on ne voit pas toujours la différence en terme de mise en scène entre ce que l’on voit et l’ancienne pub Schweppes de Nicole. Avec ses tons perpétuellement dorés, sa facilité de chaque instant, l’opulence des décors, des robes et des chignons, Grace de Monaco ressemble à ces publicités pour Ferrero Rocher. Ou plutôt, le film ressemble lui-même à un Ferrero Rocher : pas désagréable du tout à première vue, mais finalement trop sucré et trop léger, une pépite dorée qui cache beaucoup d’air à l’intérieur.

par Gregory Coutaut

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