Gett - Le procès de Viviane Amsalem
Israël, 2014
De Ronit Elkabetz, Shlomi Elkabetz
Avec : Ronit Elkabetz
Durée : 1h55
Sortie : 25/06/2014
En Israël, il n’y a ni mariage civil ni divorce civil. Seuls les rabbins peuvent prononcer un mariage et sa dissolution. Mais cette dissolution n’est possible qu’avec le plein consentement du mari, qui détient finalement plus de pouvoir que les juges. Viviane Amsalem demande le divorce depuis trois ans. Or son mari, Elisha, le lui refuse. Sa froide intransigeance, la détermination de Viviane à lutter pour sa liberté, et le rôle ambigu des juges dessinent les contours d’une procédure où le tragique le dispute à l'absurde, où l'on juge de tout, sauf de la requête initiale.
CAS DE DIVORCE
Six ans après Les 7 jours, le duo formé par les frère et soeur Ronit Elkabetz et Shlomi Elkabetz est de retour avec Gett, le procès de Viviane Amsalem. Le pitch est ubuesque: Viviane veut divorcer, mais les rabbins ne peuvent prononcer la dissolution du mariage qu'avec le consentement du mari. Consentement qui ne veut pas venir. De ce point de départ, les Elkabetz tirent un huis clos passionnant et surprenant. Tout d'abord par son tempo: le film avale les mois (avant les années !) en quelques séquences. On restera pratiquement tout le film entre les quatre murs d'un minuscule tribunal (hormis quelques sorties dans le couloir comme autant de pauses temporaires hors du ring de boxe), et les réalisateurs jouent de cette austérité, une épure à murs blancs et vêtements noirs tandis que le temps défile. Le montage vif parvient à éviter les écueils du théâtre filmé. Et il faut le savoir: ce divorce peut prendre autant de temps qu'il en faut pour construire la Sagrada Familia.
Prendre femme était le titre du premier long métrage du duo. On se demande régulièrement, dans Gett, si le mari acceptera de "reprendre" sa femme, utilisation récurrente qui transforme en objet celle qui, comme l'éructe le juge, doit savoir où se trouve sa place. "Une femme seule, c'est ça qui est gênant" dit-on. Le propos est politique mais parvient à ne pas être d'une lourdeur didactique notamment grâce à l'utilisation surprenante de l'humour. Gett est drôle, parfois très drôle, parce que la situation est de plus en plus absurde. L'affaire devient publique, on appelle à la barre divers témoins qui viennent donner leur avis sur le droit ou non que Viviane a à divorcer. Incroyable ? Il y a pourtant de nombreux cas en attente, parfois depuis des années, en Israël.
Ces touches d'humour apportent une respiration mais ne mettent pas de côté la brutalité mise en scène et le propos politique. Le cas ne se limite pas à celui de Viviane mais parle d'une société entière. On ne tombera pas non plus dans le piège du film forcément vu à travers le strict filtre du tout-politique. Gett l'est, mais c'est aussi un film passionnant comme un épisode de Cas de divorce survitaminé et réalisé avec des moyens de cinéma, bouleversant lorsque Viviane, exsangue, enragée, promet de passer au-dessus de "lui" et des lois. Le feu de l'actrice Ronit Elkabetz suffit à nous convaincre et son nouveau film est tout simplement bluffant.