Gebo et l'ombre
Portugal, 2011
De Manoel de Oliveira
Scénario : Manoel de Oliveira
Avec : Claudia Cardinale, Michael Lonsdale, Jeanne Moreau, Leonor Silveira, Ricardo Trêpa
Photo : Renato Berta
Sortie : 26/09/2012
Gebo et l'ombre est l’adaptation de la pièce Gebo e a Sombra, écrite en 1923 par Raul Brandão, originaire de Porto comme Manoel de Oliveira. Basé à la fin du 19ème siècle, le film raconte l'histoire de Gebo, père de famille infortuné qui sacrifie sa vie et son honneur pour protéger son fils en fuite.
AVANT QUE L’OMBRE…
Les films de Manoel de Oliveira se suivent et ne se ressemblent pas tant que ça. Derrière un style visuel immédiatement reconnaissable, quoi de commun entre le burlesque absurde de Belle toujours (où Bulle Ogier se faisait poursuivre rue de Rivoli comme Benny Hill), le cours d’histoire-géo de Christophe Colomb, l’énigme ou la parabole de poche de Singularité d’une jeune fille blonde ? Gebo et l’ombre son dernier long-métrage en date, propose un visage encore différent : celui d’une adaptation théâtrale d’une frontalité et d’un minimalisme extrêmes. Décor unique, plans fixes, aucun mouvement de caméra ne viendra délivrer ces personnages prisonniers des cadrages symétriques comme de leur bicoque en ruine. On a souvent vanté (avec raison) la très grande élégance de la mise en scène du patriarche portugais, mais elle laisse ici place à rigueur ascétique tout sauf discrète. Elle pèse au contraire de tout son poids sur chaque scène, à tel point qu’on ne voit plus qu’elle, jusqu’à frôler l’exercice de style, l’artificialité.
Le texte d’origine contient déjà sa part d’artificialité, mini-mélo que Manoel tire moins vers la tragédie que vers le symbolique, en privant notamment les personnages de leur spontanéité (les acteurs semblent tous regarder dans le vague, même quand ils dialoguent). Or c’est précisément le propre des films les plus arides que de se prêter aux interprétations les plus folles. C’est l’histoire d’une famille pauvre qui se fait voler ? Cela devient aujourd’hui forcément un film sur la crise économique, voire sur les marchés financiers ! Tout est ici tellement empesé (point d’humour et de malice cette fois) qu’on est tenté de fuir vers ces interprétations rassurantes comme vers une sortie de secours, histoire de se raccrocher aux branches. Reste un casting quasi-impeccable. Leonor Silveira et Claudia Cardinale meublent leurs rôles ingrats de potiches de manière très différente : effacée pour l’une, gesticulante pour l’autre. C’est Michael Lonsdale qui se taille pourtant la part du lion, portant toutes les respirations du film sur son interprétation toujours surprenante et juste. Mais face à cet ensemble international mais francophone, Ricardo Trêpa (qui a dû apprendre le français au moment du tournage) fait bien pale figure, et tire rapidement toutes ses scènes vers le bas. Bref, les films de Manoel de Oliveira se suivent, les registres varient et les degrés de réussite aussi. On attend donc le suivant (déjà en cours de route) pour le voire rebondir vers les sommets qu’on lui connait.
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Photos: Xavier Lambours