Gaby Baby Doll
France, 2014
De Sophie Letourneur
Scénario : Sophie Letourneur
Avec : Benjamin Biolay, Lolita Chammah
Photo : Jeanne Lapoirie
Musique : Yongjin Jeong
Durée : 1h28
Sortie : 17/12/2014
Gaby, on ne devrait pas la laisser seule la nuit. Or, c'est justement ce que fait Vincent, son petit ami, pour mettre son amour à l'épreuve. Elle a pourtant du mal à contrarier sa nature et, a vite fait d'épuiser la patience des gars du village. Mais cette histoire abrite un autre personnage: Nicolas, gardien du château, et c'est vers cet ermite misanthrope, cet expert en solitude, que Gaby choisit de se tourner - quitte à le détourner de son cher chemin.
BYE BYE BABY
"J'veux pas qu'vous partiez !" Après la troupe de filles de La Vie au ranch et les trois amies des Coquillettes, Sophie Letourneur filme cette fois une héroïne qui va devoir apprendre à vivre toute seule. Comme une coquillette laissée sur le bord de l'assiette. Gaby, un peu cruche, un peu tête à claques, a la phobie de la solitude et ne veut pas s'endormir sans personne à côté d'elle, dans son lit aux draps Bisounours. Larguée dans un patelin où l'on ne peut faire que pioncer ou regarder les vaches, Gaby va devoir grandir. Un peu comme si l'une des héroïnes de Letourneur avait été mise à la porte du ranch ou de l'appart des Coquillettes. La réalisatrice emprunte largement au conte de fées pour son récit: l'héroïne enfantine qui a peur de tout, la promesse romanesque de son amoureux ("Je reviendrai quand l'arbre n'aura plus de feuilles"), les épreuves répétitives du conte d'apprentissage, l'arc du personnage incarné par Benjamin Biolay, le décor, le dénouement... Un vrai conte dont le mélange curieux avec la touche Letourneur fait tout le charme.
Gaby n'est évidemment pas une princesse de conte comme les autres (Letourneur nous l'expliquait dans notre entretien: "c’est ça aussi qui m’intéresse finalement, donner une autre image de ce qu’on peut attendre d’un personnage féminin"). Le Mumblecore à la française se mêle ici à la narration. On y est un peu loser et fauché, on ne comprend pas toujours les répliques grommelées, et Gaby a des faux airs de Frances Ha qui se serait mise aux Chocapic et aux Figolu. Il y a aussi une mélancolie qui s'invite, notamment par l'usage en contrepoint de la musique de Jeong Yong-Jin, compositeur emprunté à Hong Sang-Soo dont Sophie Letourneur est admiratrice. Le spectre du Coréen n'est pas si loin dans ce conte répétitif et alcoolisé. Sa douce amertume aussi. Le résultat, surprenant et attachant, confirme la sensibilité à part de sa réalisatrice.