Festival de Gérardmer: Frankenstein
États-Unis, 2015
De Bernard Rose
Scénario : Bernard Rose
Avec : Danny Huston, Carrie-Anne Moss, Xavier Samuel
Durée : 1h29
Le monstre se réveille dans un laboratoire scientifique, il ne sait pas qui il est, ce qu’il est. C’est encore un enfant dans un corps d’adulte. Il est innocent, mais la violence qu’on lui inflige lors de tests médicaux va lui faire découvrir l’existence d’un monde très différent, à la fois sombre et cruel. Blessé et abandonné, il parcourt la ville, suscitant la crainte et l’effroi chez ses habitants...
LE MONSTRE EST VIVANT
Si vous vous êtes amusé à vous faire peur devant votre miroir, il y a une vingtaine d'années, en prononçant plusieurs fois de suite le nom de Candyman, c'est peut-être grâce à Bernard Rose. Le nom du cinéaste anglais n'est pas le plus connu du genre, mais son Candyman réalisé en 1992 est resté, et a d'ailleurs quelque peu fait de l'ombre à son éclectique filmographie. Frankenstein est son nouveau film d'horreur – et à vrai dire on a un peu le sentiment d'avoir fait le tour de la question. Le début de cette relecture en a bien conscience et choisit l'épure : Rose ne se donne pas la peine de contextualiser les expériences menées par un duo de savants fous (incarnés par Carrie-Ann Moss et Danny Huston) et d'expliquer la nature de la créature qui s'agite sur la table d'opération – vous la connaissez tous. La plupart des autres scénaristes auraient assurément ajouté quelques explications superflues.
L'épure privilégiée par Rose permet de mettre en valeur la fable et ses archétypes. Plus que le roman de Mary Shelley, Frankenstein transpose surtout les deux increvables adaptations Universal, Frankenstein et La Fiancée de Frankenstein de James Whale. Il cite certaines scènes – la rencontre avec la fillette, puis celle avec un vieux sage aveugle – mais les détourne. Car la fable peut évidemment avoir plusieurs sens et c'est ici la fable sociale qui intéresse Rose, également scénariste du film. Dans ce Frankenstein contemporain, le monstre n'est rien de plus qu'un clodo avachi en bas de votre rue. A l'étranger d'hier que les villageois voulaient brûler succède quelqu'un d'encore plus proche mais à qui les badauds souhaitent le même sort. Ce n'est pas qu'un clin d’œil extra-filmique lorsque le monstre rencontre un clochard incarné par... Tony Todd, l'acteur de Candyman. Car Candyman était aussi une fable sociale et il semble tout à fait logique que Frankenstein, à un coin de rue de Los Angeles où se vivent putes et marginaux, croise les restes de Candyman assis par terre.
Frankenstein a pour lui son humilité, mais le film rencontre quelques problèmes. Le récit est simple mais la mise en scène manque parfois d'ampleur. Certains personnages sous-écrits (ceux des deux savants) affaiblissent des scènes dramatiques qui deviennent bancales. Mais malgré ses défauts, Frankenstein a quelque chose à raconter et parvient efficacement à ne pas paraphraser une histoire qu'on pense connaître par cœur.