Faute d'amour
Nelyubov
Russie, Fédération de, 2017
De Andreï Zviaguintsev
Durée : 2h08
Sortie : 20/09/2017
Boris et Genia sont en train de divorcer. Ils se disputent sans cesse et enchaînent les visites de leur appartement en vue de le vendre. Ils préparent déjà leur avenir respectif : Boris est en couple avec une jeune femme enceinte et Genia fréquente un homme aisé qui semble prêt à l’épouser... Aucun des deux ne semble avoir d'intérêt pour Aliocha, leur fils de 12 ans. Jusqu'à ce qu'il disparaisse.
JE SUIS LE MAL-AIMÉ
Faute d'amour, nouveau long métrage du Russe Andrei Zviaguintsev, débute et s'achève (sans que cela ne dévoile quoi que ce soit de l'intrigue) par deux plans symboliques qui en disent beaucoup (voire un cheveu trop). Le film s'ouvre par un plan sur une école surplombée d'un fier drapeau russe. C'est la fin de la journée : les enfants s'échappent dans les cris et à toute allure du bâtiment. Dans l'une des dernières scènes du film, un personnage fait quelques foulées sur son tapis de course, s'arrête rapidement, s'essouffle - ce personnage porte un jogging sur lequel est écrit en lettres capitales "RUSSIE". On vous fait un dessin ?
Les films de Zviaguintsev, du Retour à Leviathan en passant par Le Bannissement et Elena, ont toujours revêtu une forme dimension symbolique. Pour le meilleur (la dimension mythologique du Retour, l'iconoclasme féroce d'Elena) et pour le moins bon (les pesants Le Bannissement et Leviathan, des films plus conscients d'eux-mêmes). Faute d'amour se situe entre les deux : ce récit familial, où des époux (l'un ressemble à un zombie, l'une à un vampire) s'écharpent tandis que leur gosse passe totalement à l'as, est à la fois glaçant et glacé. S'il est oublié par ses propres parents, le jeune protagoniste de Faute d'amour semble avoir une voie toute tracée par la société : "ça en fera un homme", entre deux joyeusetés sur les bienfaits de l'internat et du service militaire, ou comment l'autoritarisme politique s'invite dans les foyers et s'applique même aux plus fragiles des enfants.
Car il ne s'agit bien évidémment pas que d'un thriller familial - la disparition du fils est presque un MacGuffin dans ce récit d'une société à la dérive, où Pouchkine et Poutine peuvent se retrouver dans la même phrase. Cette société pèse sur les individus jusqu'à l'absurdité, voir la scène où le père s'inquiète des conséquences de son divorce à venir au sein d'une entreprise folle dirigée par un intégriste religieux. Faute d'amour flirte parfois avec la frontière du sur-signifiant, et son aspect étouffant, lorsque le film devient plus répétitif, n'est pas forcément une qualité. Mais le long métrage fait également preuve d'une grande maîtrise formelle, un puissant travail visuel dû notamment au directeur de la photographie Mikhail Krichman, collaborateur habituel du cinéaste.