Et maintenant, on va où?
Liban, 2011
De Nadine Labaki
Scénario : Nadine Labaki
Avec : Nadine Labaki
Durée : 1h50
Sortie : 14/09/2011
Sur le chemin qui mène au cimetière du village, une procession de femmes en noir affronte la chaleur du soleil, serrant contre elles les photos de leurs époux, leurs pères ou leurs fils. Certaines portent le voile, d’autres une croix, mais toutes partagent le même deuil, conséquence d’une guerre funeste et inutile. Arrivé à l’entrée du cimetière, le cortège se sépare en deux : l’un musulman, l’autre chrétien. Avec pour toile de fond un pays déchiré par la guerre, « ET MAINTENANT ON VA OU ? » raconte la détermination sans faille d’un groupe de femmes de toutes religions, à protéger leur famille et leur village des menaces extérieures.
LA RESSOURCE DES FEMMES
Le premier film de Nadine Labaki, Caramel avait été l’une des meilleures surprises de l’édition 2007 du festival. Elle revient cette année avec Et maintenant on va où ?, dans lequel on retrouve ce qui rendait le premier si singulier et attachant. Au premier abord, Et maintenant on va où ? a pourtant tout du cadre du film au didactisme simpliste : un village où cohabitent chrétiens et musulmans, un amour interdit sur fond de guerre religieuse, les braves gens qui se serrent les coudes dans l’adversité, et l’humour qui répare tout… tout cela vous fait peut-être fuir et pourtant, Et maintenant…, c’est tout le contraire ! Le film dynamite les attentes en désamorçant un à un les éléments de récit cités plus haut pour se concentrer sur le portait de la vie quotidienne d’un village entier. Un pari réussi haut la main tant le scénario parvient à faire vivre ses personnages avec parfois trois fois rien, juste une scène ou un début d’intrigue. Ce portrait de groupe permet surtout au long métrage de passer d’un registre à l’autre, du mélo de guerre à la comédie musicale, avec une fluidité surprenante, sans que l’un ne nuise jamais à l’autre. Parler de ruptures de ton serait un mot trop fort, car Nadine Labaki jongle avec tout ça avec une aisance assez confondante. Penser que le film n’arrive pas à choisir entre les deux registres (sérieux ou comique) serait voir le verre à moitié vide, car pourquoi ce qui est une qualité chez Almodovar deviendrait un défaut chez d’autres ?
La comparaison n’est pas si tirée par les cheveux que ça, grâce à un panel d’héroïnes hilarantes, entre mamas indignes la bouche remplies de joyeuses grossièretés et autres femmes voilées folles de leur corps. Tout comme dans Caramel, ce qui rend le film aussi immédiatement séduisant, c’est d’avoir en permanence au cœur de ses enjeux quelque chose de très positif, sur un sujet qui appelait à priori plutôt la réflexion ou le recueillement, et surtout à toujours réussir à éviter de faire de ce coté positif quelque chose de facile ou de superficiel, sans s’interdire non plus d’avoir un propos grave. Et maintenant on va où ? est tout à tour émouvant, poilant, et surtout surprenant, moins classique qu’il n’y parait, à l’image de son étrange scène inaugurale, cortège de femmes en deuil laissant peu à peu place à une invraisemblable chorégraphie. Si le film a été (justement) très applaudi lors de sa présentation à Cannes, il offre bien plus qu'une image simpliste de crowd-pleaser pour femmes, et déborde allégrement du cadre trop restreint du world-movie à thèse. Une réussite.
De manière plus anecdotique, cela rend très curieux de voir La Source des femmes de Radu Mihaileanu (également présenté à Cannes cette année), sur deux trames similaires, on parie que les solutions trouvées par ses héroïnes pour dompter leurs hommes seront biens moins funky et bien plus lisses que celles du film de Nadine Labaki.