Berlinale: El Hombre Nuevo

Berlinale: El Hombre Nuevo
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El Hombre nuevo
Uruguay, 2015
De Aldo Garay
Durée : 1h19
Note FilmDeCulte : ****--
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Le portrait de Stephania, transsexuelle qui retrouve le pays qu'elle a quittée lorsqu'elle était encore un garçon.

LE PASSÉ

Que filme t-on lorsque l’on filme la vie d’un homme ou d’une femme transsexuel(le) ? Le plus souvent c’est un parcours, que celui-ci soit en forme de lutte ou d’épanouissement. El Hombre Nuevo, récompensé du Teddy Award du documentaire, est différent. Il n’est jamais vraiment question d’un avant/après, et pourtant le passé y est omniprésent. Le passé, Stephania choisit justement d’y faire face, en reprenant contact avec sa famille qu’elle a dû quitter il y a bien longtemps. On devine que son identité sexuelle est pour beaucoup dans cet exil, mais cela n’est jamais clairement explicité. Le passé est également omniprésent dans la forme même du film. Stephania et le réalisateur Aldo Garay se connaissent en effet depuis une vingtaine d’années, et cela permet à El Hombre Nuevo de s’enrichir de nombreuses images d’archives, vidéos personnelles remontant à diverses époques.

Ce qui frappe pourtant dans ces images, c’est que Stephania y est déjà entièrement elle-même. Aucune photo ou presque ne vient la montrer telle qu’elle était avant son processus de réattribution sexuelle. Ce point, dont on aurait pu attendre qu’il prenne une place centrale dans le documentaire, n’est ni ignoré ni mis en avant. Ce n’est qu’une étape dans la vie de Stephania, et pas forcément la plus surprenante. El Hombre Nuevo brosse le portrait d’une femme à la vie complexe, où violence et bienveillance s’entremêlent avec surprise. Ainsi, quand Stephania retrouve son village d’enfance, elle est accueillie sans violence. Même les très vieilles personnes l’ayant connue petit garçon lui sourient en levant à peine un sourcil. L’ouverture d’esprit de ses anciens proches, vivant pour ainsi dire dans la forêt, laisse pantois. Mais c’est une fois posé dans ce village que le film dévoile ce qui est presque son second sujet.

Le titre d’El Hombre Nuevo est trompeur. Il se réfère non pas à l’ancien sexe de Stephania, mais à un passé politique commun à elle, sa famille, son village et aux deux pays dans lesquelles elle a vécu. Cet « Homme nouveau », c’est l’idéal communiste des Tumaparos en Uruguay et des révolutionnaires sandinistes au Nicaragua. En effet, Stephania n’était pas n’importe quel petit garçon. C’était un meneur de groupe luttant contre la dictature, dirigeant des adultes qui contrairement à lui, ne savaient pas tous lire ou écrire. Face à la révélation de ces très jeunes années de militantisme politique, parfois violentes, le parcours sexuel de Stephania n’a soudain plus l’air aussi incongru, et passerait presque pour un détail. C’est sur ce point précis que le documentaire se révèle le plus pertinent : il parvient à dépeindre avec tendresse la vie pas banale d’une femme transsexuelle, sans faire de sa transsexualité l’enjeu sur lequel tout s’articulerait. Stephania se bat encore pour trouver sa place, Aldo Garay lui en donne une enviable : celle d’une femme révolutionnaire à plus d’un titre.

par Gregory Coutaut

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