Eega

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Eega
Inde, 2012
De SS Rajamouli
Scénario : SS Rajamouli
Durée : 2h25
Note FilmDeCulte : ****--
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Jani et Bindu s’aiment, mais ne se le sont encore jamais avoué. Tandis qu’il profitent tous deux de cette situation, cet amour est bouleversé par l’arrivée de Sudeep, homme d’affaires malveillant prêt à tout pour posséder Bindu. Dans son besoin d’évincer tous les prétendants possibles, il tend un piège à Jani et l’assassine froidement. Mais Jani se réincarne alors en mouche et est bien decidé à protéger sa belle et à faire payer ceux qui l’ont lâchement assassiné…

LA MOUCHE

Eega (prononcer iga) est un film qui réserve plus d’une surprise (et c’est un sacré euphémisme), même pour les spectateurs réguliers de l’Etrange Festival qui pensaient avoir déjà atteint les sommets improbables du cinéma indien avec le fantastique Endhiran projeté l’an dernier. A quoi s’attendre ici : de la science fiction ? Du fantastique ? De la comédie ? La mouche va-t-elle chanter ?... Première grosse surprise : durant son premier tiers, Eega est en réalité une comédie romantique tout ce qu’il y a de plus classique. Où plus précisément une comédie romantique particulièrement réussie, un boy-meets-girl doté d’une énergie et d’un optimisme dingues, digne des meilleures réussites indiennes récentes. Très loin d’un éventuel navet kitsch, cette partie-là (la seule à contenir des passages chantés en live) est aussi excellente qu’inattendue. Puis survient la fameuse mouche, et l’on craint que tout ça s’effondre.

Deuxième surprise : ça fonctionne encore. En conservant le même premier degré inébranlable, le film parvient à nous faire croire que cette mouche en images de synthèse est toujours le héros du début, que c’est un véritable personnage de cinéma. Après tout si Pixar tente de rendre des voitures émouvantes et sympathiques (humaines ?) à nos yeux, pourquoi ne pas croire à une mouche ? Est-ce réellement moins vraisemblable? Il faut dire qu’on évite heureusement quelques pièges qui n’auraient pas pardonné : l’insecte ne parle pas, ne chante pas, n’a pas de grands yeux humains hyper expressifs (cf. Pixar encore, hum hum). Bref la mouche est une mouche, et cherche à se venger à sa manière : en volant très près du méchant pour le rendre fou. Ça a l’air épouvantable, mais cette sobriété est justement plutôt une bonne surprise. Le scénario y croit, les acteurs y croient…pourquoi pas nous ?

Quel autre pays que l’Inde aurait pu faire en 2012 le pari gonflé de raconter cette histoire sans aucune trace d’ironie cool (qui d’autre l’aurait voulu, d’ailleurs) ? La troisième surprise vient sans doute de là : même s’il mélange les genres (gags un peu vieillots, poursuites en voiture musclées, soupçon fantastique…), Eega reste avant tout une comédie romantique, une histoire d’amour au-delà de la mort et de la réincarnation. Et c’est justement là que tout bascule. Passé la scène-clé où l’héroïne reconnait son ancien amoureux dans les yeux de l’insecte pourtant pas très sexy… tout dégringole. La mouche commence à avoir un comportement humain, fait de la musculation avec des allumettes, fait des high-fives, couine comme Gizmo, entre autres débilités… On veut bien faire preuve de la meilleure bienveillance possible, il n’est dès lors plus possible d’empêcher le navire de sombrer dans les eaux profondes du nanar.

Par contre on peut bien se marrer en voyant la suite ! Notamment grâce à cette héroïne contrainte de pleurer d’amour devant cette pauvre mouche en 3D. Un personnage tellement nunuche qu’elle finit, lors d’une scène d’attaque, par se cacher…. dans une potiche géante. Quel bel acte manqué Bindhu (oui elle s’appelle Bindhu) ! Bref. Si Eega nous fait d’abord rire avec lui, on achève la séance en pleurant (de rire) pour lui. La goutte d’eau du ridicule (une scène à laquelle on était bien soulagé d’avoir échappé) se trouve d’ailleurs dans le générique de fin. Le plus étrange dans tout ça ? C’est devenu cet été le plus gros succès au box-office indien depuis dix ans. Ce qui laisse songeur. Mais mine de rien, on repose la question : à l’heure où Hollywood semble se mordre la queue une fois sur deux, où, ailleurs qu’en Inde, peut-on trouver aujourd’hui une telle énergie, une telle foi dans le plus pur divertissement ?

par Gregory Coutaut

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