DVD: Alone (Don't Grow Up)
France, 2015
De Thierry Poiraud
Scénario : Marie Garel Weiss, Thierry Poiraud
Photo : Mathias Boucard
Durée : 1h21
Laissés à l’abandon par leurs surveillants qui ont mystérieusement disparu, une petite bande de délinquants juvéniles fait les 400 coups dans son centre de redressements. Mais cette drôle de situation va très vite révéler une menace inattendue : frappés par un mystérieux virus, les adultes sont enragés et attaquent tous ceux âgés de moins de 18 ans…
ILS VENAIENT D’AVOIR 18 ANS…
1976. Narciso Ibáñez Serrador sort sur les écrans le cash et fataliste Les Révoltés de l’an 2000, qui voit un couple de touristes débarquer sur une petite île tranquille et découvrir que les enfants qui y vivent ont assassiné la majorité des adultes. 2015, Thierry Poiraud, déjà réalisateur de jusqu’au-boutiste Atomik circus et du bonnard Goal of the dead débarque avec Alone (ex Don’t Grow Up) qui voit une bande d’adolescents délinquants parqués sur une île devoir échapper à un mystérieux virus qui ne frappe que les adultes, tout en essayant de fuir les enfants effrayés par ces adultes en devenir. Si le réalisateur laisse aujourd’hui de côté le ton délirant de ses deux premiers longs, c’est surtout pour prendre son style à contre-pied et tenter de proposer une sorte de version “de l’autre côté du miroir“ de son ainé espagnol qui à travers son titre original ¿Quién puede matar a un niño? (soit “Qui est capable de tuer un enfant?“) posait une question à l’éthique délicate. De son côté, Poiraud à travers son “ Qui est capable de tuer un adulte ?“ se demande surtout "Qu’est-ce qu’être qu’un adulte ?", ce à quoi on se voit répondre que tout n’est qu’une question d’expérience plutôt que d’âge, que chaque sensibilité et différente et que l’innocence peut perdurer malgré les années. Certes le propos et la réponse sont un peu faciles pour ne pas dire naïfs, mais l’affect et la vision du réalisateur en font quelque chose de tellement épuré qu’on se laisse vite prendre au jeu, hypnotisé par cette proposition peu commune et surtout tout en délicatesse et sensibilité.
Odyssée paranoïaque sous couvert de film de virus, Poiraud nous assène donc une belle gifle brutale et sans concession. Alone est aussi pessimiste et touchant que le film de Serrador, et fera vibrer la corde sensible de ceux qui se sentent encore une âme d’adolescent ou qui se souviennent de cette époque avec mélancolie. Car grâce à cette fable fantastique sur le malaise adolescent, cet entre-deux âges où l’on ne sait pas où se placer, ce monde où l’on est “chassé“ à la fois par les adultes et les enfants, le réalisateur nous offre une somme d’images marquantes qui risquent de rester longtemps gravées dans les mémoires. Il est aidé par un casting parfait (la réussite du film tient autant de leur justesse que du travail de l’ensemble de l’équipe technique). Ne reste plus qu’à espérer que sa récompense de l’Oeil d’or de la 5e édition du PIFFF soit pour le métrage un tremplin suffisant pour attirer le public et qu’il arrivera à faire suffisamment parler de lui en dehors d’un cercle d’initiés. Car des œuvres de ce style, on en voit trop peu pour ne pas les saluer lorsqu’elles se présentent à nous.
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Alone est désormais disponible en dvd et vod.