Dernière séance
France, 2011
De Laurent Achard
Scénario : Laurent Achard, Frédérique Moreau
Avec : Pascal Cervo, Karole Rocher
Photo : Sabine Lancelin
Durée : 1h30
Sortie : 07/12/2011
Un jeune homme Sylvain, voue sa vie à un cinéma de quartier condamné à la fermeture. Il habite au sous sol de la salle dont il est à la fois programmateur, projectionniste et caissier. Sylvain a un terrible secret : sa mère s’est suicidée sous ses yeux lorsqu’il était enfant. Se sentant responsable, il sort chaque nuit en quête d’une victime sur laquelle il prélève un « trophée » qu’il dépose en offrande sur l’autel de sa mère. Mais son rituel meurtrier va être perturbé par la rencontre avec une jeune spectatrice dont il tombe amoureux.
CINEMA INFERNO
En voilà un film pas banal. A la fois film noir à l’inquiétante étrangeté, chronique quasi-muette d’un naufrage psychologique et hommage au cinéma. Dernière séance trouve écho avec les précédents (et excellents) films de Laurent Achard (Le Dernier des fous, La Peur petit chasseur) dans sa manière de dépeindre une solitude radicale et la cruauté involontaire des liens familiaux, mais s’en démarque aussi par une bizarrerie qui n’est jamais celle que l’on attend. Même en comparaison avec les ovnis suscités, ce dernier long-métrage parvient à rester perpétuellement inattendu, tout en confirmant la place d’Achard comme metteur en scène de choix. A l’image de son personnage principal énigmatique à force de ne jamais sortir de sa carapace (mention spéciale à Pascal Cervo pour son interprétation, tant le rôle était casse-gueule), le scénario parvient à être toujours surprenant. A la fois film de genre et totalement autre chose, Dernière séance semble abandonner chaque piste trop balisée pour mieux prendre des chemins de traverse, menant le spectateur à travers un mystère pareil à la nuit sans fin qui semble recouvrir cette histoire.
Ce ton unique, improbable, allié à une image au grain volontairement vieillot (on se croirait parfois devant un Rohmer de 1989 !) plonge Dernière séance dans un entre-deux plein d’inquiétudes. Impossible de savoir à coup sûr à quelle époque se passe le film (le cinéma qui sert de décor quasi unique ne passe pas de film d’après 2005, et le reste de sa programmation mélange les époques d’une manière trop marquante pour être fortuite). Difficile de savoir où se situe l’action également, et peu importe, d’ailleurs. Car du récit policier ou du film d’horreur, le film d’Achard n’emprunte que certaines apparences. D’ailleurs il est reposant de voir enfin un film français où il y a des meurtres sans qu’il n’y ait d’enquête policière ou même le moindre personnage de flic ! De même : enfin un film français tourné en province et qui ne ressemble pas à une pub pour l’endroit où il est filmé (effet pervers de l’aide régionale sur la production nationale).
Peu importe le réalisme en effet, car les apparences sont trompeuses. Si la petite ville, ses habitants, son ennui, son cinéma ont l’air on ne peut plus crédibles, le tout se teinte d’une bizarrerie sur laquelle il n’est pas forcément évident de mettre le doigt. Dernière séance est avant tout un film sur la cinéphilie, et sur l’inévitable solitude qui l’accompagne souvent. Car le cinéphile est par définition toujours seul devant son film, seul face à ses panthéons personnels, ses icônes, ses films cultes. Sylvain est seul, et si chaque personne qu’il croise semble cinéphile ou prêt à tout pour voir un film, s’il devient par moment le personnage-clé d’une série noire, s’il va jusqu’à vivre dans son cinéma et à en occuper tous les postes imaginables, si chaque rencontre potentiellement amoureuse est mise en scène de manière presque fantastique… n’est-ce pas après tout le lot rêvé de chaque cinéphile ?