De jueves a domingo
Chili, 2012
De Dominga Sotomayor
Scénario : Dominga Sotomayor
Avec : Paola Giannini, Francisco Pérez-Bannen
Photo : Barbara Alvarez
Durée : 1h37
Un jeudi, une famille chilienne part en voiture dans le nord du pays.
LOST HIGHWAY
Une voiture, une famille, un trajet de vacances et des paysages qui crèvent l’écran… A priori De Jueves a Domingo (de jeudi à dimanche, en français) a tout du road-movie classique. Et pourtant ce premier film chilien, qui vient de remporter le Tigre du meilleur film à Rotterdam, se révèle rapidement bien plus curieux et personnel qu’il n’y parait. Il ne faut pas très longtemps pour s’apercevoir que si la réalisatrice Dominga Sotomayor Castillo (qui est également scénariste) utilise effectivement les éléments-clés du genre, c’est pour mieux se les approprier en les réorganisant de manière assez excitante. Théoriquement, ce qui définit la dynamique du road-movie c’est en effet l’illustration par un déplacement physique de l’évolution intérieure de son ou ses personnages. Une formule qu’est récemment venu illustrer un autre film issu d’Amérique latine, le très (trop) classique Les Acacias. Or ici le voyage en question est moins celui d’un point A à un point B qu’un aller-retour doux-amer, un surprenant trajet pleine de subtilités, de non-dits et de mystères, comme une route sur laquelle one ne serait jamais vraiment sûr de sa destination. L’anti-Acacias, d’une certaine manière.
De jueves a domingo est un peu deux films en un : à la fois une chronique familiale estivale faite de jeux dans la voiture, de pause bucolique en bord de rivière, mais également quelque chose de plus inquiétant. Tout comme son très beau titre, qui peut se lire comme une parenthèse enchantée ou comme un compte à rebours, le film joue en permanence sur la suggestion. Si dans un premier temps le véhicule familial fonctionne moins comme une prison que comme une douce bulle hors du quotidien (la photo, souvent magnifique, vient renforcer ce coté nostalgique), faite de sourires et de légère indifférence, l’habitacle se fait peu à peu moins perméable à une certaine tension : la violence sous-entendue dans les rapports entre les parents, la menace lointaine d’accidents de la route réels ou imaginaires… Cette tension provient avant tout de la manière très habile qu’a le scénario de ne jamais aller exactement là où l’attend, de faire planer des menaces (violence familiale, disparition, mort) puis de les dissiper aussitôt, de mettre chaque inquiétude au même niveau que les promesses optimistes de vacances réussies. Ce mélange de tons assez rare, entre léger malaise et bienveillance, fait l’incroyable richesse du film, à l’image des immenses paysages chiliens, tantôt désertiques et verdoyants, à la fois angoissants et accueillants. Une réussite, et une réalisatrice à suivre désormais de très près.