David et Madame Hansen

David et Madame Hansen
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David et Madame Hansen
France, 2012
De Alexandre Astier
Scénario : Alexandre Astier
Avec : Isabelle Adjani, Alexandre Astier
Photo : Fabrice Moindrot
Musique : Alexandre Astier
Durée : 1h29
Sortie : 29/08/2012
Note FilmDeCulte : ****--
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David est ergothérapeute. Il exerce depuis peu dans une riche clinique suisse. Alors que, un matin, il manque une de ses collègues à l'appel, on lui confie une patiente à accompagner pour une course en ville : Madame Hansen-Bergmann. D'abord prudent et respectueux du protocole médical, David se montre procédurier. Mais au fur et à mesure qu'il côtoie sa patiente, sa curiosité grandit : tant de provocation et d'insolence, mêlées à de si soudaines vagues de détresse et de chagrin inexpliquées, ne peuvent cacher qu'un grand traumatisme. Ils ne reviendront pas à l'heure prévue…

ALEXANDRE ET MONSIEUR ASTIER

Il est assez rare de ne pas avoir à présenter un réalisateur pour son premier film. Alexandre Astier est déjà largement reconnu en France pour son talent et pour sa personnalité : le créateur de la série désormais culte Kaamelott est célèbre pour son franc-parler, son exigence, et sa propension à vouloir maîtriser toute la chaîne de ses projets, depuis l’écriture à la réalisation en passant par la musique ou encore le montage. Mais il y a une chose essentielle à ne pas oublier à propos d’Alexandre Astier : il ne sera jamais où on l’attend. C’est qu’il n’est pas trop du genre à aller dans le sens du vent, à s’engouffrer dans les facilités, ou à suivre la voie que quelqu’un d’autre – et à plus forte raison le "public" – tracerait pour lui. Il suffit de voir les saisons 5 et 6 de Kaamelott pour se convaincre qu’Alexandre Astier cherche avant tout à mener à bien ses projets tels qu’il les a conçus, quitte à perdre au passage une partie de son audience et à ne pas se complaire dans le créneau "comique de format court" où on l’a un peu trop vite rangé. Alors que la suite de Kaamelott s’annonce sur divers médias, dont le cinéma, et que les fans l’attendent avec impatience, on pourrait croire que l’énergie d’Alexandre Astier y est toute entière consacrée. Loin de là, il multiplie les projets, s’y engageant avec toujours la même passion et la même intégrité ; et à vrai dire, entre "Que ma joie demeure", son one-man show sur Jean-Sébastien Bach, le développement de Kaamelott Résistance, et le projet "Vinzia", série sur la descendance italienne à Lyon, on se demande de quel chapeau sort David et Madame Hansen.

Vous attendiez une comédie enlevée ? Un film d’aventures avec des dialogues anachroniques ? C’est raté : David et Madame Hansen est un drame intimiste, au tempo très lent, avec certes quelques répliques comiques – dont une grande partie ont été déflorées par la bande-annonce, hélas – mais qui ne sont que le sel d’un long métrage très posé, qui parle de traumatisme, de perte de repères, des liens de confiance et des rapports de force qui s’établissent entre une patiente et un thérapeute. Alexandre Astier s’octroie le premier rôle masculin, celui de David, ergothérapeute plein de bonne volonté, freiné par de petits conflits conjugaux et dérouté par les extravagances de sa patiente. Isabelle Adjani en face, cheveux gris, lunettes noires, interprète cette femme d’un âge incertain, perdue dans une clinique suite à un traumatisme dont on ne sait étrangement rien. Retrouver le point de départ, identifier la blessure pour savoir comment soigner, retracer une route parmi des souvenirs engloutis : rien de bien neuf sous le soleil, mais en plus d'illustrer un concept cher à son cœur ("se battre pour la dignité des faibles"), Astier y apporte une dimension ludique importante, qui fait toute la personnalité de son film.

DE L’IMPORTANCE D’ÊTRE UN ACTEUR

À l’origine, en effet, il y avait un long métrage écrit pour Alain Delon ; suite au désistement de ce dernier, Astier a réécrit entièrement son film pour Isabelle Adjani, autre légende vivante du cinéma français. On le sait, l’un des plus grands talents d’Astier est de savoir s’entourer de grands comédiens. Qu’il puise parmi sa famille, ses amis, ou plus simplement parmi les acteurs qu’il apprécie, il est extrêmement rare de voir quelqu’un jouer faux sous son regard. Mais ici, cela va même plus loin : le jeu et l’idée de "personnage" sont au cœur de sa création. Ainsi, Isabelle Adjani, qui incarne, aujourd’hui encore, une grande figure de l’"actrice", est par essence une comédienne en perpétuelle réaction, avec un sens du tempo inné et parfait, doublé d’une écoute instinctivement très complète et sincère de ses partenaires. Ce n’est pas un hasard si Astier a écrit pour elle ce personnage de Madame Hansen, dont l’état se superpose au jeu de l’actrice, pour devenir le jeu du personnage. La méchante malade, la vilaine dame, la dame un peu perdue, la dame qui retourne en enfance. Le jeu, toujours le jeu, et le jeu comme salut, comme l’exprime avec clarté la scène de la piscine – qu’on ne saurait seulement évoquer par son effet d’écho au fameux "Pull Marine". Liée de très près au jeu, on retrouve l’une des autres thématiques centrales d’Astier : l’enfance, et le lien parent-enfant, toujours fondateur des arcs narratifs de ses personnages.

Le film étonne, en particulier parce qu’il prend extrêmement son temps. L’habitude des formats plus courts ? La volonté de surprendre ? Il est davantage probable que cette cadence soit le reflet des exigences du scénariste-réalisateur : être au plus près des personnages, les suivre, avoir le temps de capter les moindres mouvements de visage d’Isabelle Adjani, parfois bouleversante en un simple plan. Si Astier s’est réservé le (trop ?) beau rôle de David, on n’est pas en reste sur le casting des personnages secondaires, à commencer par la trop rare Julie-Anne Roth, ou encore Victor Chambon (fils de Jacques Chambon, l’interprète de Merlin dans Kaamelott). Touchant et bien maîtrisé, il est possible malgré tout que le film décontenance une partie du public, venue avant tout pour bien rigoler. D’ailleurs, si ce n’était pas Astier aux manettes, serait-on allé voir ce film ? Probablement pas, et alors ? Nul autre que lui ne saurait glisser quelques répliques aussi ciselées dans un long métrage si calme, ni placer au détour d'une scène, l’air de rien, une aria de Don Ottavio du Don Giovanni de Mozart ou un échange dialogué sur les palindromes. Tout ce qu’on peut espérer, c’est qu’avec ce premier essai plutôt réussi, les producteurs et distributeurs soient au rendez-vous pour la suite des projets de l’artiste – dont, bien sûr, la suite de la saga Kaamelott.

par Anne Mourand-Sarrazin

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