Dark Water

Dark Water
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Dark Water
Honogurai Mizu No Sokokara
Japon, 2001
De Hideo Nakata
Scénario : Yoshihiro Nakamura
Avec : Fumiyo Kohinata, Hitomi Kuroki, Shigemitsu Ogi, Yu Tokui
Photo : Junichiro Hayashi
Musique : Kenji Kawaï
Durée : 1h37
Sortie : 26/02/2003

Jeune mère divorcée, Yoshimi s'installe avec sa fille dans un nouvel appartement. Les quelques gouttes qui s'échappent du plafond l'interpellent chaque jour un peu plus...

REFLETS EN EAU TROUBLE

Hideo Nakata le répète à qui veut l'entendre: l'horreur n'est pas sa vocation première en tant que cinéaste. Pourtant, après l'effrayant Ring, Dark Water s'impose comme une nouvelle réussite du genre. Mieux, Nakata y approfondit ses thèmes de prédilection, de quoi y voir les prémices d'une mutation, celle d'un faiseur talentueux en un auteur affirmé. Dark Water, c'est en effet une sorte de variante de Ring. Les deux films disposent déjà de quelques artisans communs: nouvelle adaptation d'une oeuvre de Koji Suzuki, même chef opérateur et même musicien que pour les aventures de la vidéo maudite. En outre, le processus de la peur exploité ici est voisin: comme dans Ring, la peur qui intéresse Nakata, c'est celle qui provient du quotidien. Dans l'un, le poste de télévision devient une fenêtre vers l'enfer présente dans chaque foyer. Dans l'autre, c'est l'eau qui devient un motif de frayeur. Nakata ne fait qu'obéir à une règle élémentaire du genre (qu'il soit cinématographique ou littéraire): l'élément fantastique n'en sera que plus effrayant s'il apparaît en rupture avec un environnement réaliste. L'eau devient ainsi le véhicule anodin du spectral.

Tout comme Ring, Dark Water se nourrit d'éléments typiques de la culture nippone - ici l'eau comme milieu fantomatique. On assiste ainsi à une certaine surenchère: pendant que l'eau est confinée au fond d'un puit lors du premier film, celle-ci ne cesse de déborder dans Dark Water. La manifestation du fantôme devient active: l'eau, dans laquelle baignent les âmes des morts, inonde Tokyo jusqu'à l'appartement de Yoshimi. Autres points communs entre les deux oeuvres: une certaine fascination pour le monstre, un regard désenchanté sur la solitude enfantine, une récurrence d'héroïnes malmenées au détriment de personnages masculins forts. En somme, un univers pour le moins torturé.

EN PLEINE TEMPETE

Ce qui témoigne d'une plus grande maturité chez Nakata, c'est le regard qu'il porte sur ses personnages: Dark Water revêt des atours de drame horrifique plus humain, et donc plus poignant qu'un pur film d'horreur. Le fantastique fait office de toile de fond qui s'étend peu à peu dans la vie de Yoshimi. De la place (ou non place) d'une femme condamnée au dévouement dans une société archi-patriarcale, Dark Water décrit le quotidien d'une femme qui se noie peu à peu dans le sien. Entre sa quête d'un emploi, ses soucis liés à son divorce et sa peur permanente d'être une mauvaise mère, Yoshimi finit par perdre pied. L'eau qui traverse les murs est un compte à rebours pour le jeune femme, une marée qui progresse, lui rappelant sans cesse qu'elle se rapproche de l'asphyxie. Le film est ainsi construit en crescendo, du drame qui sommeille jusqu'au raz-de-marée final, sommet à la fois en termes de frayeur et mais aussi d'émotion.

En effet, les gouttes s'échappant de toute part sont autant de larmes qui pleurent une enfance dévastée, autant de signes d'un ange furieux qui martelle son chagrin immense, qui manifeste une présence palpable. Nakata filme un monde vivant mais déjà gagné par la mort, à l'image d'un immeuble rongé par les spectres, totalement déserté (y voit-on un seul habitant durant le film?) ou d'un ascenseur fantôme (formidable utilisation encore une fois d'un élément quotidien devenant générateur de peur). Yoshimi (intense performance de Hitomi Kuroki) se perd dans un labyrinthe de béton, Dark Water se changeant peu à peu en macabre ballet aquatique, où les enfants sont oubliés et où la libération et le salut passent par le renoncement.

par Nicolas Bardot

En savoir plus

Dark Water a remporté le Grand Prix du festival du cinéma fantastique de Gerardmer 2003, ainsi que le prix de la critique internationale et le Prix du jury jeune.

Hideo Nakata est né le 19 juillet 1961. Après avoir suivi des cours dans une école de cinéma, Nakata se promène de tournages en tournages, avant de devenir assistant réalisateur de Konoma Masaru, metteur en scène spécialisé dans le "roman-porno". Il se servira plus tard des ses enseignements, appliquant à la peur les mécanismes utilisés pour susciter l'excitation. Après s'être essayé à la télévision, Nakata signe son premier long-métrage avec L'Actrice fantôme (1996), qui contient quelques pistes développées par la suite dans Ring (1998). Depuis le triomphe de ce dernier, Nakata a tourné neuf autres films (touchant aussi bien le thriller que le documentaire ou le conte), dont le plus récent est Dark Water. Après le remake de Ring, ce sont L'Actrice fantôme, Chaos et ce Dark Water qui sont en court de développement aux Etats-Unis.

2002 Dark Water 2002 The Embalmer 2001 Last Scene 2001 Sadistic and Masochistic 2000 Sleeping Bride 2000 Chaos 1999 Le Cerveau de verre 1999 Ring 2 1998 Ring 1997 Assassin's Town 1996 L'Actrice fantôme

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