Festival Cinéma du réel: Dao Lu
Face à la caméra, Zheng Yan raconte la Chine du vingtième siècle. De l’invasion japonaise à la Révolution culturelle, sa parole chemine à travers les régimes successifs, entre engagement au PCC et choc de ses purges successives.
CHRONIQUE D'UN HOMME CHINOIS
Début mars sortait en France Fengming, chronique d'une femme chinoise, documentaire-fleuve de Wang Bing consacré à une victime chinoise du mouvement politique "antidroitier". L'une des forces de ce doc est la façon dont il s'imbrique avec Le Fossé du même réalisateur, sorti une semaine plus tard. Fengming a été réalisé deux ans auparavant mais cette sortie rapprochée, souhaitée par Wang Bing, permet un dialogue entre la fiction d'un point de vue masculin (celui des prisonniers), et le documentaire d'un point de vue féminin (celui de la narratrice). Un dialogue qui n'existe pas dans Dao Lu, dont l'exercice est extrêmement proche de celui observé dans Fengming: une certaine histoire de la Chine déroulée par le récit d'un témoin, ici un homme, qui parle face caméra, avec peu de coupes, pendant toute la durée du film. On ne peut certes reprocher à Dao Lu d'être incomplet sous prétexte qu'il n'est pas accompagné par une béquille de fiction. Mais voir Fengming peu avant ce Dao Lu ne rend pas service au film de Xin Xu.
Les différences sont infimes (Fengming et Dao Lu débutent d'ailleurs exactement de la même façon: une silhouette dans la rue, avant de suivre celle-ci dans son appartement) mais il y a pourtant une œuvre qui s'en sort mieux que l'autre. Fengming, par son interlocutrice au regard plongé dans l'objectif de la caméra (là où, dans Dao Lu, l'homme garde les yeux baissés pendant 2 heures), par son utilisation de la lumière, déclinante peu à peu, temps étiré jusqu'à ce que Fengming parle dans le noir quasi complet (là où Xin Xu propose une lumière plate et monolithique), par son concept tenu jusqu'à l'acharnement (là où Dao Lu insère, de temps à autre, des images d'époque de façon plus conventionnelle), parvient à être un hypnotique objet de cinéma. Dao Lu, pas vraiment, car le film est affaibli par cette idée discutable selon laquelle un sujet fort suffit à faire un documentaire fort. La parole de Zheng Yan, pourtant essentielle, s'évapore peu à peu.