Creepy
Un ex-détective devenu professeur en criminologie s’installe avec son épouse dans un nouveau quartier, à la recherche d’une vie tranquille. Alors qu’on lui demande de participer à une enquête à propos de disparitions, sa femme fait la connaissance de leurs étranges voisins...
LA FETE DES VOISINS
Kiyoshi Kurosawa n’a plus à prouver qu’il est passé maître dans l’art de mélanger les registres avec fluidité: le film de fantôme avec le mélodrame, ou bien le film d’enquête policière avec le fantastique. Mais jusqu’ici, l'humour avait rarement pointé le bout de son nez dans la filmographie du réalisateur japonais. A l’exception peut-être de Seventh Code, récent moyen métrage en forme de bande dessinée d’aventure. Creepy commence de manière sérieuse. Très sérieuse même, avec ses personnages archétypaux de flic rongé par l'échec et de tueur amoral et manipulateur. Le temps d’une disparition fantomatique brillamment mis en scène, on se croit même en terrain très familier. Et pourtant, comme le dit le protagoniste à ses étudiants: rien de ce que nous apprend le FBI ne nous est d'une quelconque utilité. Traduction: méfiez-vous des registres trop balisés, cela ne vous prépare en rien à ce qui suit.
La première faille dans le vernis survient dès la première apparition de Teruyuki Kagawa (le père de Tokyo Sonata), à la fois clownesque et inquiétant dans le rôle d‘un voisin zinzin. A lui tout seul, ce personnage improbable et décalé fait peu à peu basculer le ton du film. Si le protagoniste mène son enquête comme un jeu, en dehors de son temps libre, Creepy passe progressivement du polar à la farce noire et macabre, sans jamais tomber dans la parodie, comme une version toxico-malaise de Nos chers voisins. Un équilibre inédit et culotté chez le toujours élégant Kurosawa, et qui rappelle de manière inattendue les satires de Claude Chabrol. Une référence que l’on ne soupçonnait pas forcément chez le cinéaste japonais. Creepy prend peut-être un peu trop son temps pour révéler ce côté dingo, et l’ensemble aurait sans doute gagné à être resserré, mais le film vaut pourtant plus que comme simple variation surprise de Cure (auquel le scénario fait référence). Faut-il rire ou trembler devant ces révélations à la fois morbides et wtf à base de sacs d’aspirateurs? Les deux!