Corpo celeste
Italie, 2011
De Alice Rohrwacher
Scénario : Alice Rohrwacher
Avec : Anita Caprioli, Yle Vianello
Durée : 1h40
Sortie : 28/12/2011
Marta, 13 ans, lutte pour se réacclimater au sud de l’Italie après dix ans passés en Suisse. Tourmentée, les yeux brillants, elle observe la ville, prête attention à ses sons et à ses odeurs, mais continue à se sentir comme une étrangère. Marta va faire sa confirmation et suit des cours de catéchisme. Elle va être confrontée à la morale de la communauté catholique locale. De l’expérience des règles à la décision courageuse de se couper les cheveux, Marta commence pour la première fois depuis son retour en Italie à construire sa propre vie.
DOCU-MENTEUR
Prenons un instant pour étudier la manière dont la Quinzaine des réalisateurs (cuvée 2011) décrit et présente les films qu’ils ont sélectionnés. Lors des présentations officielles ou même sur leur site internet, les membres du comité de sélection détaillent en une phrase ou deux ce qu’ils ont estimé remarquable dans chaque long-métrage. Et quasiment à chaque fois, ces propos introductifs paraissent après coup non seulement fort généreux (après tout pourquoi pas ?), mais surtout complètement à l’ouest, exagérés au point d’en devenir faux. Ainsi, Play serait un film « positif » (vraiment ?), The other side of sleep « un grand film boisé » (parce qu’il y a une scène en forêt ?), O abismo prateado « un grand film musical (hein ?) etc… Bon, on se doute que mettre à l’oral des mots sur un film qu’on a aimé n’est pas toujours évident, mais ça vire parfois limite à la publicité mensongère. La preuve avec ce Corpo Celeste, vendu comme « Mêlant fiction et documentaire », assertion tellement exagérée qu’elle relève presque de l’escroquerie ou de la cécité.
La réalisatrice Alice Rohrwacher (sœur d’Alba Rohrwacher – comédienne très remarquée dans Amore et La Solitude des nombres premiers), vient en effet du documentaire. Corpo Celeste est son premier film de fiction et on devine ce qu’elle a pu garder de son expérience préalable. Deviner est le mot-clé, car absolument tout dans son film est fictionnel, et elle-même le confirme. Or : 1) c’est tourné caméra à l’épaule, ce qui suffirait à faire dire à certain qu’elle est « proche de ses personnages » (ce que le scénario contredit), et 2) à un moment, l’un des personnages tombe, ce qui suffirait à conclure qu’il ya une tendance à l’improvisation et à la captation du réel. C’est tout. Corpo Celeste dépeint la vie d’une communauté religieuse à travers le regard d’une toute jeune fille étrangère et quasi muette, et ce n’est pas parce que tout ceci est effectivement fait avec un souci du réalisme que ça en devient du documentaire, ne mélangeons pas tout. Ce n’est pas parce que l’image est presque tout le temps crade et terne (les scènes d’intérieures sont sombres au point d’en être indéchiffrables) que ça en devient une qualité documentaire.
Parce que si Corpo Celeste était mieux filmé (pas filmé de manière plus conventionnelle – cela n’aurait pas d’intérêt – mais simplement de manière plus professionnelle), les problèmes scénaristiques du film sauteraient immédiatement aux yeux. Car le portrait de communauté et la gentille moquerie cléricale ont bon dos : les personnages sont tous anti-subtils et cernés au bout d’une demi-scène (la prof pathétique, le prêtre autoritaire), voire complètement inexistants et fadeS (la mère, et même l’héroïne !). Chaque symbole est lourd et appuyé (le crucifix absent ou encombrant, les chatons martyrisés…). Difficile dès lors de mener de manière un tant soit peu intéressante un récit, fut-il initiatique, symbolique ou réaliste, avec des éléments narratifs aussi peu développés.