Cloverfield
États-Unis, 2008
De Matt Reeves
Scénario : Drew Goddard
Avec : Lizzy Caplan, Jessica Lucas, T.J. Miller, Michael Stahl-David
Photo : Michael Bonvillain
Musique : Michael Giacchino
Durée : 1h24
Sortie : 06/02/2008
Alors que Rob s’apprête à partir pour le Japon, ses amis organisent une fête surprise chez lui. Soudain, une secousse se fait ressentir. Au loin, quelque chose attaque la ville…
WHAT DID YOU SEE, YOUNG MAN ?
Le sol gronde. La caméra tremble. Une foule de yuppies se précipite sur le toit de leur loft: au loin, la Statue de la Liberté vient d’être décapitée par une créature inconnue. Petit malin que ce J.J. Abrams… Avec ce teaser sorti inopinément au mois de juillet, il donnait le premier aperçu d’un projet ambitieux et lançait le buzz autour du mystérieux Cloverfield. Six mois plus tard, le monstre fait son apparition. Et, s’il n’égale jamais son extraordinaire teaser, le film de Matt Reeves ne déçoit pas. Ce mélange assumé de Godzilla et du Projet Blair Witch prend le parti d’une captation sur le vif d’un sujet habituellement cantonné au cinéma grand spectacle clinquant. Le film-catastrophe, puis le film de monstre, au lieu de se déployer dans un glorieux 35mm, prennent forme dans la petite lucarne d’un caméscope trimballé par hasard par les personnages. En résulte un témoignage à la première personne, chaotique, incertain, aussi troublant qu’il peut parfois être insupportable. Mais Reeves et Abrams n’oublient pas pour autant le spectaculaire: leur camcorder (incassable, à la batterie inépuisable, et au son 5.1) rend compte d’images de destruction absolument dantesques.
ROAR !
Tourné pour une misère à l’échelle hollywoodienne, Cloverfield détonne par sa simplicité. « Trop de questions, pas assez de réponses ». Ce reproche souvent adressé à l’autre création-phrare d’Abrams, Lost, Cloverfield le retourne à son avantage. En montrant des personnages pris sur le vif au milieu d’une catastrophe sans tenants ni aboutissants, il frustre autant qu’il épate. D’où vient ce monstre ? Pourquoi est-il là ? Les autres villes sont-elles aussi attaquées ? Jamais le spectateur n’en saura plus que les héros. Totalement dénué de musique (mis à part un superbe générique de fin, Roar !, de Michael Giacchino), le film ne rompt jamais l’illusion qu’il essaie de créer. En restant focalisé sur ses personnages et son parti pris, Reeves nous plonge dans un chaos aux relents de 11 septembre fortement assumés. Mais bizarrement, malgré son intégrité formelle, Cloverfield n’égale à aucun moment un autre film à l’approche similaire : La Guerre des mondes de Steven Spielberg, qui était à la fois, paradoxalement, plus spectaculaire et plus intimiste. Reste un spectacle malin, assumé, et finalement assez modeste. Une seule question subsiste : tiendra-t-il à la revoyure ?
En savoir plus
Cloverfield était à l’origine un titre de travail destiné à garder le projet secret. Après avoir failli s’intituler, d’après les rumeurs, Monstrous, Abrams et son équipe sont finalement revenus au titre provisoire, popularisé sur internet malgré lui.