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Klip
Serbie-et-Monténégro, 2012
De Maja Milos
Scénario : Maja Milos
Avec : Isidora Simijonovic
Photo : Vladimir Simic
Durée : 1h40
Sortie : 17/04/2013

Note FilmDeCulte :

Jasna, une adolescente de 16 ans, s’ennuie dans sa petite ville en périphérie de Belgrade, entre les cours du lycée et la vie chez elle, où ses parents n’arrivent plus à dialoguer avec elle. Comme les autres jeunes de son âge, ses seules préoccupations sont de faire la fête, de rencontrer des garçons et de se filmer en permanence avec son téléphone portable. Jasna tombe folle amoureuse de Djole, un garçon de son école. Prête à tout pour lui plaire, Jasna sombre vite dans les excès de l’alcool, du sexe et de la drogue.

TESTE-MOI, DÉTESTE-MOI

Clip, l'un des trois lauréats du Festival de Rotterdam 2012, a provoqué remous et rumeurs. Pour son premier long métrage, la Serbe Maja Milos (lire notre entretien) prend son costaud sujet à bras le corps: le portrait d'une toute jeune ado à peine sortie de l'enfance qui trompe son ennui dans la drogue et surtout le sexe. En début d'année sortait en France Turn Me On! de la Norvégienne Jannicke Systad Jacobsen, qui parlait de l'éveil sexuel d'une ado dans un coin paumé du pays. Clip, et c'est rien de le dire, en est une version cash et trash, qui va plutôt chasser sur les terres de Larry Clark. Jasna (interprétée par la saisissante Isidora Simijonovic), comme ses petites copines, n'a de rapport au monde ou aux garçons qu'à travers la séduction, tendance à quatre pattes dans les chiottes du collège. Imaginaire tout droit venu du porno, fringues empruntées au gogo danseuses d'un mauvais clip de hip-hop, les héroïnes de Clip ressemblent à des produits en promo, à des vagins qui marchent. Jasna passe son temps à se cambrer en string sur son lit, bouche entrouverte et regard mort, à lécher les seins d'une copine, ou son mobilier (comme Divine dans Pink Flamingos), et surtout à se filmer pour inonder ensuite les réseaux sociaux de ses exploits. Et derrière, un désespoir: une ado de 14 ans dont la vie est uniquement constituée de biture, de baise, avant de finir la soirée saoule à dégueuler.

Pas de complaisance chez Maja Milos mais une force brute et une honnêteté frontale. Milos a d'ailleurs confié que son scénario initial était conçu autour de personnages plus âgés, mais ses multiples rencontres avec des ados de 14 ans l'ont poussée à rajeunir Jasna et ses amis. Milos, 28 ans, en témoin, tandis que de temps en temps ses personnages prennent le relais: la caméra laisse place aux images filmées par les ados, via leurs téléphones portables, instantanés vibrants et frustes comme crachés à l'écran. Clip pourrait sortir la carte sociologique, et dresse effectivement un décor effarant: autorité parentale littéralement mourante, ville en ruines, collège qui ressemble à un squat, et quel horizon? Clip pourrait également jouer la rédemption, avec une scène où Jasna retrouve des fillettes encore innocentes (mais qui déjà aiment se faire filmer). Mais le long métrage est moins didactique que ça, plus universel aussi. Isidora Simijonovic ressemble d'ailleurs à Priscilla, la jeune chanteuse française qui, à 13 ans, minaudait à la télé "tous les regards sont les bienvenus, des filles des garçons" dans son grand tube Regarde-moi, où elle voulait également qu'un garçon (ou une fille) la "teste". Ça n'existe pas qu'en Serbie.

Avec ses scènes de sexe non simulées, son histoire centrée sur de jeunes ados, quelle exploitation en salles pour un tel film? Clip va en tout cas sortir en Serbie. Le prix accordé au film confirme la place essentielle d'un festival défricheur comme celui de Rotterdam. La violence que s'inflige l'héroïne de Clip ne s'oubliera pas de sitôt, tout comme le nom de Maja Milos, définitivement une réalisatrice à suivre.