César 2015: premiers pronostics
Que retenir de l’année 2014 en ce qui concerne le cinéma français ? La hausse générale de fréquentation des salles a remarquablement profité aux productions hexagonales, notamment aux comédies. Le genre-roi des salles françaises, où trône toujours l’indéboulonnable Christian Clavier, bénéficiera-t-il du même accueil lors des César ? L’élitisme (relatif) de l’académie est régulièrement pointé du doigt, et pourtant ces dernières années ont vu un retour en force de certaines comédies (9 mois ferme, Les Garçons et Guillaume à table, Le Prénom, Camille redouble, Intouchables…), et surtout le basculement vers une tendance à récompenser les « gentils » plutôt que les « méchants », quitte à privilégier la sympathie à l’audace artistique. L’année dernière, entre Gallienne et Kechiche, les votants avaient fait leur choix. Le duel des biopics sur Saint-Laurent donnera-t-il lieu au même dénouement cette année ? La cérémonie s’annonce fatalement aussi ringarde qu’une pub Végétaline, mais FilmDeCulte fait tout de même le point sur les principales catégories, les futurs nommés et les futurs snobés.
MEILLEUR FILM
La France n’a pas tous les ans un film à 12 millions de spectateurs sous le coude, mais le jackpot d’entrées de Qu’est-ce qu’on a fait au bon dieu (ou, dans une moindre mesure, celui de La Famille Bélier) a-t-il sérieusement des chances de se transformer en nomination ? Est-ce souhaitable/souhaité ? Le rire gaulois ne pèsera peut-être pas lourd face à Timbutku du Mauritanien Abderrahmane Sissako, qui telle une quinte flush, allie sujet digne et d’actualité, crédibilité artistique et succès en salle. Et son financement étant majoritairement français, il est éligible (il en va de même pour l’Israélien Gett, le procès de Viviane Amsalem, qui ferait un joker bienvenu). Autre prédiction toute aussi peu risquée : l’affrontement attendu entre Yves Saint-Laurent (appliqué jusqu’à son trait d’union) et Saint Laurent. L’un fut surtout plébiscité pour son interprète, l’autre avant tout pour sa mise en scène, ces futurs nommés ont en tout cas divisé, ce qui rend leur victoire incertaine. A Cannes, où il a beaucoup été question d’une nouvelle génération de cinéastes français, trois révélations se sont distinguées : Party Girl, et surtout les succès publics Les Combattants et Hippocrate. Sans doute de quoi accéder directement à la catégorie reine, face à des valeurs plus sûres comme Assayas (Sils maria) ou Jacquot (3 Cœurs). Pascale Ferran, grande winneuse de 2007 et figure-clé politisée du « cinéma du milieu » peut-elle être coulée par l’accueil parfois déconcerté de Bird People ? On ne le souhaite pas. Nos radars se tournent également vers une autre réalisatrice qui, on l’espère très fort, ne sera pas non plus oubliée : Céline Sciamma et sa Bande de filles.
Qui va être oublié : Passé hélas inaperçu de par sa sortie tardive, Mon amie Victoria aurait fait un joli outsider grâce à son discours social subtil.
Qui va gagner : Timbuktu est sans doute le moins clivant en vue. Sa victoire permettrait d’oublier que le dernier film africain nommé aux César était Les Dieux sont tombés sur la tête, il y a trente ans. Hum.
MEILLEUR ACTEUR
YSL vs YSL. Comme dans Le Choix de Sophie, les votants vont devoir se faire violence et choisir lequel de leurs enfants chéris a le mieux interprété (imité?) le créateur. C’est bien dans cette catégorie (qui leur est presque promise) que l’affrontement entre les deux films risque d’être le plus divertissant. Mais, coup de théâtre cocasse : un éventuel split des votes pourrait indirectement profiter à un troisième larron. Romain Duris, aimé de l’académie, bénéficie de la transformation inattendue de son personnage dans Une nouvelle amie, mais ne négligeons pas la malédiction Ozon, que les César adorent humilier (30 nominations et… zéro statuette gagnée. Prend-il encore la peine de se déplacer ?). Transformation également pour Kassovitz dans Un illustre inconnu, mais Vie Sauvage a semble-t-il davantage marqué les esprits. La question est : les César seront-ils masochistes au point de nommer celui qui les « enculait » il y a quelques années encore ? Parmi les choix plus probables (et consensuels), citons Guillaume Canet dans La Prochaine fois je viserai le cœur, Benoit Poelvoorde dans 3 Cœurs, François Damiens dans La Famille Bélier ou Omar Sy dans Samba. Les chances sont sans doute plus minces pour les outsiders : Pio Marmaï dans Maestro, Luchini dans Gemma Bovery, Vincent Lacoste dans Hippocrate ou Jean Dujardin pour La French.
Qui va être oublié : Olivier Rabourdin mériterait sa nomination pour sa performance charismatique dans Eastern Boys, mais est-il suffisamment connu des votants?
Qui va gagner : Pierre Niney était déjà célébré comme une star lors de la précédente cérémonie, un boulevard s’ouvre à lui cette année.
MEILLEUR ACTRICE
S’il y a bien une catégorie où s’expriment les goûts parfois popotes de l’académie, c’est hélas bien celle-ci, car les César préfèrent souvent nommer des bonnes copines que des grandes dames. Suffisamment pour nommer Angélique Litzenburger de Party Girl… pour l’interprétation de son propre rôle ? Aussi improbable que cela paraisse, elle a en tout cas plus de chance que Juliette Binoche pour Sils Maria, vu que celle-ci était déjà inexplicablement zappée l’an dernier pour Camille Claudel 1915, et que sa dernière nomination remonte à… Décalage horaire il y a douze ans ! Non, faites plutôt revenir les chouchoutes des votants ! Malgré un rôle secondaire, Karin Viard est éligible dans cette catégorie pour La Famille Bélier, ajoutons Isabelle Carré pour Marie Heurtin et Sandrine Kiberlain pour Elle l’adore (mais celle-ci a peu de chance de gagner la statuette deux années d’affilée) et vous obtenez la sainte trinité des César. Meilleure révélation en 2014, Adèle Haenel peut-elle passer directement à meilleure actrice pour Les Combattants ou L’Homme qu’on aimait trop ? Jolis doublons également pour Charlotte Gainsbourg (Samba, 3 Cœurs) et Anaïs Demoustier, avec Une nouvelle amie et Bird People. D’ailleurs, ne serait-il pas génial de voir cette dernière nommée pour le rôle d’un moineau? Ne négligeons pas non plus la popularité d’Ariane Ascaride en prof digne dans Les Héritiers, elle pourrait bien faire de l’ombre à Catherine Deneuve (Dans la cour) et Emilie Dequenne (Pas son genre).
Qui va être oubliée : Bérénice Béjo, dont la performance dans The Search a peu convaincu, sera, de plus, sans doute coulée par le bide du film en salle. N’en parlons plus, c’est mieux ainsi.
Qui va gagner : Boule de gomme. Si vous avez la réponse, merci de nous la faire parvenir.
MEILLEUR FILM ÉTRANGER
Les choses sont parfois bien faites. Selon le règlement, deux nominations dans cette catégorie sont d’office réservées à des films francophones. C’est-à-dire des films belges ou québécois (le cinéma africain peut régulièrement aller se faire cuire un œuf). Or ces deux pays devraient être représentés par leurs ambassadeurs les plus dorlotés chez nous, Dolan (Mommy) et les Dardenne (Deux jours, une nuit). Ça tombe bien! Autre pari sans grand risque : la nomination du Polonais Ida, au succès inattendu chez nous comme ailleurs. Du côté des Américains, on peut s’attendre à retrouver les très aimés Boyhood, The Grand Budapest Hotel, Gone Girl ou pourquoi pas Her. Quant aux odyssées spatiales Under the Skin et Interstellar, elles sont hélas sans doute trop aventureuses ou, osons un terme presque tabou : trop contemporaines ? Face à tous ces bons films, restera-t-il de la place pour les imposants mammouths cannois : Winter Sleep et Leviathan ? Si l’unique nomination d’un film turc remonte à belle lurette (Yol, 1983), Andrei Zviaguintsev avait été nommé dès son premier film, Le Retour.
Qui va être oublié : L’Asie, malgré son Ours d’or et ses succès en salles, devrait rester une terra incognita visiblement indigne de l’intérêt de l’académie. A moins d’un ultime hommage à Miyazaki pour Le Vent se lève ? Après tout, il fut le tout dernier Asiatique nommé dans cette catégorie, il y a 12 ans, pour Le Voyage de Chihiro…
Qui va gagner : Si l’amour des votants n’a pas faibli depuis sa sortie événementielle, Mommy devrait rafler la mise.
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