Cannes 2019 : Bilan d’un cru historique

Cannes 2019 : Bilan d’un cru historique

Quelques jours après le baisser de rideau sur la Croisette et les ultimes soubresauts du palmarès, le Festival de Cannes cuvée 72 a tout l’air un millésime historique.

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Quand une compétition de Festival se permet dans ses dernières heures de programmer un classique de Marco Bellocchio, une œuvre charnière d’Arnaud Desplechin, un mélo « boucleur de boucle » signé du vétéran Xavier Dolan et une expérience de cinéma hors du commun du taulier Abdellatif Kechiche, on sait d’avance dans quelle sphère stratosphérique navigue la Sélection Offiicielle 2019.

Ces quatre réalisateurs taille patron ont d’ailleurs tous échappé, pour des raisons très différentes, aux lauriers du palmarès. Mais avant d’y revenir, jetons quelques mots sur le choc tellurique Mektoub My Love : Intermezzo dont les Festivaliers ne se sont jamais vraiment remis.

On a vu beaucoup fleurir sur la toile depuis sa projection d’articles en forme de pamphlets opportunistes, quasi exclusivement destinés à « faire du clic », exhumant les témoignages de fond de tiroirs pour gratter la polémique à deux balles sans parler un seul instant de cinéma.
%% Car avec Mektoub My Love : Intermezzo, Abdellatif Kechiche a mis Cannes à terre mais d’un point de vue d’abord et avant tout de cinéma, dans un de ses scandales qui font l’histoire du Festival (La Grande Bouffe de Marco Ferreri, Irréversible de Gaspar Noé en sont les plus marquants précédents).

Kechiche est venu avec sous le bras un montage de 3h30 (au lieu des 4 heures annoncées) sans génériques ni étalonnage abouti. Une proposition brute qui sortait de la table de montage comme une déflagration pour des festivaliers fatigués d’une semaine de joutes très haut de gamme.

Délire hypnotique et fascinant très loin du Canto Uno, Kechiche voulait proposer un « intermède libre » entre le premier et le deuxième volet de sa Comédie humaine sétoise à lui. Mektoub My Love : Intermezzo, une œuvre qui n’aurait sans doute sa place qu’à Cannes et c’est justement pour ce type de déflagration que nombre de festivaliers font le déplacement.

Les vingt premières minutes sur la plage avec les mêmes personnages que dans le premier volet – les Tony, Ophélie et Amin - permettent une transition toute trouvée entre le chef-d’œuvre Canto Uno et cet Intermezzo nocturne et charnel. Trois heures de boîtes de nuit plus tard, trois heures infernales, tourbillonnantes, saisissantes, exaspérantes mais ô combien essentielles, tous les amoureux d’un cinéma borderline ont pris un pied de dingue. La ponctuation pornographique de 14 minutes où la femme mène la danse a comme parachevé le bâton pour se faire battre à mort par les festivaliers les plus récalcitrants.

% La levée de bouclier qui suivit la projection, de par des festivaliers éberlués et choqués un peu tombés par hasard sur cette séance de gala, du fait aussi d’une majorité de journalistes réfractaires jugeant plus l’homme Kechiche avec ses obsessions d’arrière-train et ses provocations formelles XXL, est déjà rentrée dans la légende du Festival de Cannes.

% Il était écrit que Kechiche ne serait pas au palmarès, pas plus que Tarantino, Malick, Dolan, Bellocchio Diao Yi’nan ou Desplechin. L’un des jurys les plus cinéastes de l’histoire (Inarritu, Reichardt, Pawlikowski, Rohwacher, Campillo, Lanthimos) a couronné Parasite, la quintessence du cinéma de Bong Joon-ho et du cinéma coréen, cinématographie foisonnante et passionnante depuis plus de vingt ans. Rarement on aura vu tel plébiscite unanime pour un film de la compétition, presse française et internationale, professionnels et jury, tous à l’unisson pour clamer leur amour pour cette Palme d’or ultra-méritée.

Et même si les absences de Marco Bellocchio et surtout des deux maestros américains Terrence Malick et Quentin Tarantino, nous hantent encore. Même si Portrait de la jeune fille en feu de Céline Sciamma aurait mérité de monter encore plus haut au palmarès (« seulement » prix du scénario). Le jury a semble-t-il voulu honorer les films ancrés dans leur époque par leurs témoignages (Les Misérables, Atlantique), leur audace (Bacurau, Little Joe) ou leur maestria (Douleur et gloire, Le jeune Ahmed). L’épilogue d’un cru renversant.

Si le cœur vous en dit, je fais plus longuement état des vingt films qui ont marqué Cannes 2019 sur Wask.

par Thomas Gastaldi

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