Calvary
Royaume-Uni, 2014
Avec : Brendan Gleeson
Durée : 1h45
Sortie : 26/11/2014
La vie du père James est brusquement bouleversée par la confession d’un mystérieux membre de sa paroisse, qui menace de le tuer. Alors qu’il s’efforce de continuer à s’occuper de sa fille et d’aider ses paroissiens à résoudre leurs problèmes, le prêtre sent l’étau se refermer inexorablement sur lui, sans savoir s’il aura le courage d’affronter le calvaire très personnel qui l’attend…
CHRONIQUE D’UNE MORT ANNONCÉE
Sans éprouver le besoin d’y aller par quatre chemins, Calvary commence d’emblée par une menace de mort. Dès les premières images et les lignes de dialogues, la sentence est prononcée dans un angoissant anonymat, on a à peine le temps de réaliser que le compte à rebours fatal est déjà lancé. Pas de quoi rire ? Suite à cette ouverture percutante, le scénario prend pourtant un virage pour le moins inattendu: celui d’un humour noir jubilatoire. Un mauvais esprit caustique bienvenu, et qui surprend d’autant plus qu’il est en flagrant décalage avec la forme du film, pour le coup particulièrement classique et même lisse. Loin de la grisaille du cinéma social venu du Royaume-Uni, Calvary propose au contraire des images propres et belles, pleines de couleurs, accompagnées de violons souvent envahissants. John Michael McDonagh est bel et bien britannique, mais sa peinture de la campagne irlandaise est tellement lustrée qu’elle en ferait presque douter. Face à de tels lieux communs (les grippe-sous bougons, les buveurs solitaires, le pub et l’église comme uniques lieux de regroupement social…) filmés sans ironie, on se croirait parfois devant une recréation folklorique pour un parc Disney, ou devant un sketch de French & Saunders. Et cela d’autant plus que la dérision sarcastique disparait progressivement, puis hélas définitivement, laissant place à une emphase ampoulée.
Suite à sa condamnation à mort, le père James choisit de ne pas enquêter. Il fait le tour des habitants du village comme à son habitude, réglant leurs problèmes plutôt que le sien. Le récit prend alors la forme d’une succession de face à face. La structure de son parcours vers sa destinée funeste, au découpage assumé (d’étape en étape, de rencontre en rencontre) vient alors faire écho au Chemin de croix de Dietrich Brüggemann, sorti récemment en salles. Mais la comparaison tourne vite au désavantage de Calvary qui, loin de recréer la subtile tension du film allemand, vire au Cluedo un peu trop pépère. La manière qu’a le film de n’avancer strictement que par le dialogue, où chaque scène de discussion est un bloc en soi, étanche aux autres moments du film, traduit une écriture théâtrale paresseuse, jamais transcendée par la mise en scène. Cette négligence, on pourrait également la reprocher à l’ensemble du casting. Autour de Brendan Gleeson, impeccable, tout le monde semble jouer dans un film différent, dans son propre registre, sans que cela ne soit expliqué. Les personnages déjà stéréotypés se retrouvent joués de manière stéréotypée, et chacun vient jouer sa scène, chacun son tour, puis disparait pour de bon pour laisser la place au suivant, dans un ronde redondante et balourde. La quête de père James aurait pu être métaphysique, comme chez Gabriel Garcia Marquez, si elle n’avait pas été ainsi engourdie par un prosaïsme malhabile, comme le montre un dénouement pataud en forme de simple whodunit.