Brødre : Markus et Lukas
Brødre
Norvège, 2015
De Aslaug Holm
Photo : Aslaug Holm
Durée : 1h42
Sortie : 11/07/2018
Deux frères, Markus et Lukas, vivent dans une ancienne maison au cœur d'Oslo. La rivière coule près de leur foyer. Un véritable paradis en pleine ville. Nous les voyons grandir, tandis que leurs rêves et leurs espérances prennent forme. Parfois, ce qu'ils désirent et ce dont ils ont besoin est à l'opposé de ce qu'on attend d'un fils ou d'un frère parfaits.
MÈRE ET FILS
Difficile en regardant Brødre : Markus et Lukas, le documentaire de la Norvégienne Aslaug Holm (lire notre entretien), de ne pas penser au Boyhood de Richard Linklater : il y a à vrai dire quelque chose d'assez fascinant à imaginer deux cinéastes, à des milliers de kilomètres de distance, se lancer dans des défis assez voisins et tout aussi vertigineux. Pendant 8 ans, Aslaug Holm a filmé ses deux fils, Markus et Lukas, en train de grandir. Brødre s'ouvre par un grand lac dans lequel les jeunes garçons s'apprêtent à se jeter. « Il faut d'abord avoir peur pour être courageux », confie, spirituel, l'un des gosses. Il y aura des épreuves dans Brødre comme autant de rites initiatiques – d'autant que les fils ici semblent suivre une voie toute tracée du garçon typique : je fais du foot, je monte un groupe de rock... Mais l'essentiel ici se situe dans le non-événement, le détail, l'émotion aussi vive qu'authentique lorsque l’aîné se fait percer l'oreille ou que le benjamin perd une dent.
La rivière, l'école, le terrain de foot, le jardin : une enfance entière semble se dessiner en quelques lieux. Holm immortalise la rentrée, les crayons encore intacts. Mais la cinéaste va plus loin qu'un joli inventaire à la Prévert. Au début du film, un même cadre dans les champs montre l'évolution des garçons devenant des jeunes hommes. Aux images de la rentrée est apposée une photo de classe de 1926. Il faut, dit-on, remonter deux générations pour se comprendre soi-même. Dans Brødre : Markus et Lukas, l'une des idées les plus poétiques est de voir ces gamins remonter le fil de l'eau (littéralement, à bord d'une barque) en même temps qu'ils remontent le temps. Ils passent ainsi devant les impressionnantes ruines de la maison de la grand-mère, souvenir délabré qui s'élève parmi les fleurs. Ils sont voisins de l'endroit où le grand-père a coulé à pic avec son bateau – et déjà là, le moment a été filmé. Si Linklater parlait essentiellement de son jeune héros, Brødre : Markus et Lukas parle autant des fils qu'il parle de la mère – qui les regarde, mais qui est aussi dans le cadre.
Réflexion sur les souvenirs et la mémoire, Brødre : Markus et Lukas est aussi une réflexion sur le temps : éternel comme les journées d'un enfant, mais qui file trop vite pour une adulte. Le métronome résonne imperturbable tandis que l'on regarde les photos de famille qui recouvrent le mur. Alors que Boyhood était un film-fleuve, Brødre : Markus et Lukas capture des années en un éclair, et 1h40. Ni pontifiant, ni sentencieux (« Ne me pose pas de questions existentielles », suggère en un clin d'oeil l'un des fils), Brødre : Markus et Lukas est une réussite, aussi belle et précieuse que délicate.