Beira-Mar ou l'âge des premières fois
Beira Mar
Brésil, 2015
De Filipe Matzembacher, Marcio Reolon
Scénario : Filipe Matzembacher, Marcio Reolon
Durée : 1h23
Sortie : 17/02/2016
Martin est envoyé par son père au sud du Brésil pour régler une affaire d'héritage. Le jeune garçon décide d'emmener avec lui son meilleur ami Tomaz. Ce séjour au bord de la mer va changer leur relation de manière inattendue.
LE BLEU EST UNE COULEUR CHIANTE
Deux amis sur le point de quitter l'adolescence, une escapade estivale en forme de parenthèse loin de leurs familles, la découverte d'une orientation sexuelle, des identités qui s'affirment... On croit voir venir à des kilomètres les passages obligés et toute la nomenclature des coming of age stories queer, ces "films de coming-out" comme il en existe des dizaines chaque année. Et pourtant, ce premier film brésilien déjoue les clichés d'au moins deux façons. Tout d'abord en remplaçant le spleen sucré qui est en général livré en package avec ce genre de film par un ton franchement taiseux. Puis surtout en se payant le luxe de ne pas avoir de scène de coming out. Celui-ci est traité comme un non-événement, un non-problème pour celui qui le fait comme pour celui qui l'entend. Dans Beira-Mar, l'homosexualité est laissée en périphérie, au point de ne même pas être réellement abordée... avant les vingt dernières minutes de film. Un déplacement des enjeux qui, en théorie, est au cœur du new queer cinema de ces dernières années, mais qui peine ici à retomber sur ses pattes. Et c'est un euphémisme : à force de ne pas faire de l'homosexualité le sujet central du film, Beira-Mar ne raconte plus rien.
Pour ce récit autobiographique, les deux réalisateurs se sont inspirés de leurs propres souvenirs d'adolescence. Il faut une foi remarquable dans le cinéma pour embarquer le public dans un récit fait de micro-évènements personnels et anecdotiques. Les protagonistes parlent tout et de rien, de la mort du chien, fument, jouent à action ou vérité, se teignent les cheveux en bleu (tiens tiens)... On peut évidemment faire naitre de grands films à partir d'un quotidien trivial, mais cela exige un certain génie. Malgré leur usage répété des ellipses, de sons venus du hors-champ (la mer du titre, qu'on entend mais qu'on ne voit presque jamais), les réalisateurs ne parviennent pas à faire naître un mystère suffisant. La voix-off qui débarque de nulle part à la fin (on ne parle pas de dénouement tant il n'y a ni nœud ni obstacle ni même événements ici), le symbolisme bien appuyé des derniers plans, tout cela ne masque pas un sentiment de très grand vide. Filmée dans une succession de gros plans malaisés, cette longue succession de moments d'ennuis déclenche une question : à qui cette reconstitution s'adresse-t-elle? On retrouve dans Beira-Mar cette sensation pénible de devoir écouter des gens partager longuement des souvenirs communs avec lesquels on n'a rien à voir.