Publié le 19/02/2010

BERLINALE 2010 : Tradition, Psychose, Renaissance

En Familie (Une Famille) de Pernille Fischer Christensen
Après un grand prix du jury décroché en 2006 pour En Soap, Pernille Fischer Christensen est de retour en compétition avec, comme son titre l’indique, un film sur la famille. Pas n’importe quelle famille cela dit mais les Rheinwald, célèbres boulangers danois fournisseurs officiel de la couronne. Ditte est la fille aînée de la famille et travaille dans sa galerie d’art. Elle reçoit un jour une proposition professionnelle à New York et décide de l’accepter. Sur ces faits son père, qu’elle adore et avec qui elle entretient une relation privilégiée par rapport aux autres membres de la famille, tombe gravement malade et veut qu’elle prenne sa suite à la tête de l’entreprise familiale. Ditte annule le départ à New York au grand dâme de son ami qui ne veut pas qu’elle sacrifie ses rêves pour sa famille. La cellule familiale danoise est décidément en crise à Berlin car après Submarino de Thomas Vinterberg c’est dans En Familie que de tragiques remous viennent perturber le bel équilibre des choses le parallèle se poursuivant entre les deux métrages par la prometteuse présence du jeune Gustav Fischer Kjaerulff. La réalisatrice danoise réussit avec succès son passage de la comédie aigre-douce au drame familial. Son film est sensible et émouvant, sans tomber dans l’excès, la musique souligne les sentiments sans déborder les images qui sont baignées d’une magnifique lumière. Le casting est très réussi avec notamment le très charismatique Jesper Christensen (Casino Royal, Quantum of Solace) dans le rôle du patriarche.

The Killer inside Me de Michael Winterbottom
Michael Winterbottom est de retour sur le tapis rouge de la place de Postdam qu’il connaît bien entre un premier passage en compétition en 1994 avec Butterfly Kiss, un Ours d’Or en 2003 pour In This World et un Ours d’Argent en 2006 pour La Route de Guantanamo. Stakanoviste du cinéma, quasi une réalisation par an, spécialiste de l’ecclectisme, le réalisateur britannique s’attaque aujourd’hui au film noir en adaptant l’œuvre éponyme de Jim Thompson, classique de la littérature « pulp » endurcie. L’histoire de Lou Ford, député shérif d’une petite bourgade de l’Amérique profonde, qui sous des airs angéliques dissimule un sadique, psychopathe à l’incroyable sang-froid. Âmes sensibles s’abstenir, si les scènes de sexe ne sont pas aussi crues que dans 9 Songs, le film comporte des passages d’une extrême violence. Tout aussi violent psychologiquement est le détachement de ce personnage qui ne connaît pas le remord et possède un sang-froid qui fait frissonner. Casey Afflek est bluffant de réalisme dans la peau de ce shérif invité pendant l’enfance à des jeux interdits qui ont laissé de profondes traces. Il est entouré d’une belle brochette d’acteurs tels Jessica Alba, Kate Hudson, Bill Pullman ou encore Elias Koteas. L’action se situe dans les années 50 et la reconstitution est particulièrement réussie, tout comme les ballades qui bercent le film apportant une touche ironique en contraste avec la dureté de l’histoire. Un film choc à ne pas mettre sous tous les yeux pour une nouvelle couleur que Michael Winterbottom porte particulièrement bien.

Mammuth de Benoît Delépine et Gustave Kervern
Seul film français de la compétition Mammuth suit les pérégrinations de Serge (Gérard Depardieu) qui vient de partir à la retraite et se rend compte que certains de ses employeurs ont oublié de le déclarer et qu’il doit maintenant les contacter et récupérer des justificatifs d’emploi afin de pouvoir toucher sa retraite. Encouragé par sa femme (Yolande Moreau) il part donc à leur recherche sur sa moto, une Munch Mammuth de 73 de qui il tire son surnom, dans un périple qui va faire remonter le passé et provoquer une prise de conscience. Serge est un personnage déplacé dans le monde actuel, il sait tout juste se servir d’un portable; il est resté coincé quelque part dans les années 70 et le grain du film, tourné en super 16 réversible est un parfait écrin à ses aventures. Ce chemin de croix amène son lot de situations absurdo-comiques, avec des caméos de Bouli Lanners, Anna Mouglalis, Benoît Poelvoorde ou encore Isabelle Adjani dans le rôle du fantôme de sa première petite amie, et permet de faire connaissance avec le personnage. Un film à la fois drôle (pour qui apprécie l’humour décalé de Delépine et Kervern) et humain. Pour public averti.

par Carine Filloux

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