Publié le 18/02/2010

BERLINALE 2010 : Meilleur, questionnable et pire

Na Putu (On the Path) de Jasmila Zbanic
Luna et Amar sont amoureux et vivent une belle relation malgré leurs incessants échecs pour concevoir un enfant. Les choses vont changer avec le renvoi d’Amar pour faute grave. Il trouve une rédemption dans une application stricte des écrits du Coran ce qui perturbe de façon dramatique le quotidien du couple qu’il forme avec Luna, celle-ci ne reconnaissant plus l’homme qui partage sa vie. Dans Grbavica (Ours d’Or en 2006), Jasmina Zbanic abordait déjà le thème de la maternité, mais à la suite d’un viol, ici Luna veut être enceinte. De même, le passé violent de son pays la Bosnie va jouer de nouveau un rôle important. En effet, Luna est une rescapée de la guerre et cinq ans après elle a surmonté les évènements et trouvé sa place à Sarajevo. Alors qu’Amar soigne ses problèmes de boisson en se plongeant corps et âme dans la religion, la jeune femme est amenée à revenir sur les traces de son douloureux passé afin de mieux voir quel chemin elle doit emprunter pour être heureuse au présent. Le film commence par une inspection de Luna d’elle-même à travers l’appareil photo de son téléphone portable. Qui suis-je ? Quelle image ais-je de moi ? Est-ce que ce ventre portera un jour le futur ? Une description du quotidien d’un couple heureux suit et par la mauvaise grâce d’un incident de parcours le choas se glisse pour finir par prendre toute la place. La réalisatrice ne prend pas partie, elle montre coment les choses peuvent déraper et en quoi le chemin choisi par Amar peut-être attirant. La grande force de ce film est dans cette objectivité, cette observation quasi clinique qui n’est pas doublée d’une mise à distance par rapport aux personnages. Les deux acteurs principaux sont au diapason et il ne serait pas étonnant que Jasmila Zbanic ne reparte pas de Berlin les mains vides.

Jud Süss – Film ohne Gewissen (Jew Suss – Rise and Fall) de Oskar Roehler
Oskar Roehler retrouve la compétition après Les Particules Elémentaires présenté en 2006 et par la même occasion deux de ses acteurs Moritz Bleibtreu et Martina Gedeck. Jud Süss plonge en 1940 au cœur de la deuxième guerre mondiale alors que Goebbels (surjoué par Moritz Bleibtreu) nourrit la machine anti-juif à plein régime. Son nouveau projet est un film de propagande nazi avec un anti-héros juif qui sera joué par Ferdinand Marian, un acteur autrichien qui n’a d’autre choix que d’accepter ce rôle qui lui vaudra un énorme succès mais signera aussi sa déchéance. L’histoire est authentique et le film original a été vu à l’époque par des millions de spectateurs. Il est aujourd’hui interdit de projection publique et peut seulement être regardé sous des conditions spécifiques. La question de la légitimité de faire un film, à propos de ce film pro-nazis, qui va pouvoir être vu par tous au cinéma, le film a déjà un distributeur en Allemagne, se pose légitimement même si l’aspect politico-historique est doublé d’un drame humain et que le destin de Ferdinand Marian tient le haut de l’histoire. Les quelques sifflets entendus à la fin de la projection laissent à penser que ce n’est pas une décision qui fera l’unanimité.

Puzzle de Natalia Smirnoff
L’expression anglaise “to be puzzled” signifie être interdit, ne pas trop savoir quoi penser. C’est un peu le sentiment qui plane après avoir vu ce film. Et la question: que fait-il donc en sélection officielle d’un festival international du film? Pendant quatre-vingt-dix minutes les spectateurs vont suivre Maria del Carmen dans sa nouvelle passion: faire des puzzles. Maria des Carmen a cinquante ans et a reçu un puzzle pour son anniversaire. En le faisant elle va se rendre compte qu’elle possède un talent naturel pour assembler les pièces très vite. Elle va s’inscrire à un tournoi en équipe en compagnie d’un homme de son âge, détail qu’elle se gardera bien de cacher à son mari, délaisser quelque peu sa famille au profit de sa nouvelle passion, gagner le tournoi, tromper son mari et continuer à faire des puzzles. Hum. Ce film n’est pas sans rappeler celui avec Sandrine Bonnaire en sélection officielle à Bruxelles en 2008, le thème étant alors les échecs et l’adultère n’ayant pas été consommé. Le verdict reste le même: plus à sa place à la télévision que sur un écran de cinéma. La seule touche originale est cette caméra qui au début du métrage se focalise sur tous les détails de l’entourage de Maria del Carmen, le reste de l’image étant flou, symbolisant toutes les pièces du puzzle qu’est Maria del Carmen, un effet qui aurait pu être intéressant si la caméra n’avait pas été en constant mouvement provoquant un léger mal être du spectateur. Il est des films qu’il est très difficile de justifier, et ce malgré la meilleure volonté du monde , Puzzle s’ajoute à la liste.

par Carine Filloux

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