Publié le 12/02/2008

BERLINALE 2008: cinquième jour

Tropa de Elite-Elite Squad de José Padilha
Nascimento, capitaine de l’escouade d’élite spéciale BOPE de la police de Rio de Janeiro se retrouve face à un dilemme. Il est sur le point de devenir père et souhaite se ranger, or il se voit confier une dangereuse mission dans les bas-fonds de la ville, le territoire de dealers. Afin de pouvoir quitter la première ligne il lui faut trouver un successeur digne de ce nom.
Onze millions et demi de personnes ont vu le film de José Padilha avant même qu’il ne soit sur les écrans. Un DVD de la dixième version du montage a en effet été volé et mis sur le marché noir; le film projeté aujourd’hui est la quinzième et dernière version. La raison de ce succès : la crainte que ce film ne soit jamais distribué. Un film sur la police de Rio de Janeiro qui commence comme ceci : «Il existe trois sortes de policiers : ceux qui sont corrompus, ceux qui ferment les yeux et ceux qui entrent en guerre.» José Padilha a été menacé par cette même police qui lui a demandé de retirer les scènes de tortures présentes dans le film, il a refusé et a failli être arrêté, mais il a tenu bon. Le spectateur fait connaissance avec la police et l’escouade d’élite BOPE par le point de vue de deux nouvelles recrues qui vont bien vite comprendre comment les choses fonctionnent, que la seule réponse à la violence est la violence et que tous les moyens sont bons pour obtenir ce que l’on veut. Le réalisateur entraîne le spectateur, caméra à l’épaule, à la suite de l’escouade dans les rues mal famées là où les balles fusent de toute part. Le montage est nerveux et l’extrême violence garantie. José Padilha n’a pas pour ambition de faire la morale, il se contente de décrire les faits et de toute façon personne ne ressort sans éclaboussure. Tropa de Elite est un film courageux au contenu édifiant mais si bien mis en place qu’il semble utopiste de penser qu’un film pourrait changer les choses.


Kirschblüten de Doris Dörrie
Trudi est la seule à savoir que son mari Rudi va mourir. Elle décide de ne pas lui avouer et au contraire d’organiser ses derniers mois à concrétiser des projets toujours remis à plus tard. Ils partent rendre visite à leurs enfants à Berlin pour constater que ceux-ci n’ont pas de temps à leur consacrer. Soudainement Trudi meurt. Rudi est dévasté et ne sait pas quoi faire. Lors d’une visite de la petite amie de sa fille, il en apprend plus sur Trudi et sur les sacrifices qu’elle a faits pour lui. Il décide donc de lui rendre hommage en se rendant à Tokyo, où vit l'un de ses fils, afin de découvrir sa femme à travers ce pays qu’elle chérissait tant.
Kirschblüten est le troisième film de Doris Dörrie à se dérouler en partie au Japon. Le choc des cultures ne pouvait être plus grand car elle le fait débuter dans un village bavarois où habitent Trudi et Rudi. Trudi a renoncé à l’aventure et au Japon pour l’amour de Rudi, dont l’emploi du temps est rythmé par ses habitudes. C’est également par amour qu’elle décide de ne pas lui avouer qu’il n’a plus que quelques mois à vivre. Le hasard veut qu’elle parte la première et que cette disparition permette à Rudi, grâce à Franzi, de jeter un regard neuf sur cette femme qu’il aimait tant mais qu’il n’a jamais pris le temps de comprendre. Un détail amer dans le film de la cinéaste allemande est que les personnes qui semblent le mieux comprendre et aimer Trudi et après Rudi sont extérieures au cercle familial. Les enfants n’ont pas le temps et pas l’envie de s’occuper de leur parents. Le film traite du deuil de manière extrêmement touchante grâce notamment à l’interprétation d’Hannelore Elsner (Trudi) et surtout celle d’Elmar Wepper (Rudi). Le soleil de la mer Baltique, les couleurs éclatante du Japon au printemps sont autant de contrastes à la peine qui pèse sur le cœur de Rudi. Kirschblüten est un douloureux voyage au bout de l’amour, au-delà de la mort.


Man Jeuk - Sparrow de Johnnie To
Kei est le roi des pickpockets. Avec ses trois partenaires, ils vivent de cet art au nez et à la barbe des piétons de Hong-Kong. Kei aime à se promener à vélo dans les rues de la ville et à prendre des photos avec son appareil Rolleiflex. Un jour apparaît dans son viseur la très belle Chun Lei. La mystérieuse inconnue cache un secret et va séduire un à un les quatre amis. En effet, elle a besoin d’eux afin de dérober un objet.
Le mot Sparrow a deux définitions pour les habitants de Hong Kong. Il est employé par les diseurs de bonne aventure pour représenter l’endroit où se situe la bonne fortune et est synonyme de pickpocket en argot. En effet, il symbolise les qualités requises pour dérober avec style les portefeuilles dans la rue et pouvoir s’éclipser sans être pris. Hong-Kong est une ville en constante évolution et Johnnie To avait envie de fixer sur la pellicules des rues qui n’existeront peut-être plus dans dix ans. C’est là-bas que l’Est rencontre l’Ouest, la ville est un endroit de transit et s’est considérablement transformée au cours des dernières décennies. Kei est ainsi l’oiseau du film, tout comme Chun Lei qui, à la recherche de la liberté, court dans les rues de la ville afin d’échapper à l’emprise d’un homme. La caméra se découvre également des ailes et en compagnie de Kei et ses acolytes virevolte dans les rues, les allées, cherchant à en extraire la substantifique moelle pour mieux la capturer. Johnnie To réalise un superbe hommage à la profession de pickpocket, qui à ses dires est en train de mourir, et a su retranscrire à l’écran l’esprit de la ville. Il retrouve pour ce long métrage Simon Yam et Kelly Lin qui n’attendent plus qu’une chose pouvoir retourner avec lui. Ce sera peut-être chose faite en mai pour un projet en langue anglaise.


Demain trois nouveaux films seront présentés : Bam Gua Nat de Hong Sangsoo, Happy-Go-Lucky de Mike Leigh et le documentaire, Standard Operating Procedure de Errol Morris.

par Carine Filloux

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