Lake Tahoe de Fernando Eimbcke
Dans une vaine tentative d’échapper à l’atmosphère de douleur qui règne chez lui, Juan sort et crashe la voiture familiale contre un poteau téléphonique à la sortie de la ville. Il se met alors à la recherche d’un garagiste. Il rencontre tout d’abord Don Heber, un vieux mécanicien qui vit avec son chien Sica. Celui-ci lui promet de réparer sa voiture s’il met la main sur la pièce défectueuse. Juan se remet en route et se retrouve bientôt dans un magasin spécialisé tenu par la jeune Lucia, qui s’y connaît plus en musique punk qu’en mécanique. Elle lui propose toutefois d’attendre David « celui qui sait », un adolescent féru de kung-fu. Trois rencontres aussi absurdes les unes que les autres qui vont transformer la journée de Juan et l’aider à accepter la douloureuse perte qui le frappe.
Lake Tahoe est le second long métrage de Fernando Eimbcke, après Duke Season en 2004. Tourné en cinémascope, le filme se compose presque essentiellement de plans fixes dans lesquels les personnages évoluent et qui perdurent parfois à l’écran quand ceux-ci sortent du cadre. Des plans fixes et vides qui évoquent l’absence. Juan fuit cette absence, tout d’abord hors de chez lui, puis il fuit loin de Don Heber, Lucia et David. La réalité est trop cruelle et Juan ne peut encore y faire face et s’imagine qu’il suffit de fuir pour qu’elle s’évanouisse comme un mauvais rêve au réveil. Juan va donc continuer sa fuite en avant jusqu’à ce qu’il soit capable de mettre des larmes sur sa douleur, de laisser s’exprimer ses sentiments. Alors il sera capable de rentrer chez lui. Lake Tahoe est un merveilleux mélange d’absurde et de drame psychologique. Les trois personnages qui vont croiser la route de Juan sont hauts en couleurs et les situations placées sous le signe d’un rafraîchissant humour. A côté de cela, la douleur plane par touches disséminées ça et là, avant d’être dévoilée et de rendre les parenthèses enchantées que recherche Juan aussi importantes pour lui que pour le spectateur. Fernando Eimbcke réalise un merveilleux film très finement écrit et porté par un épatant jeune casting.
Julia de Erick Zonka
Julia a quarante ans. Elle est alcoolique, manipulatrice, menteuse compulsive et, malgré une apparence flamboyante, vacillante à l’intérieur. Le quotidien de Julia se compose d’alcool, de coucheries d’une nuit, et de petits jobs qu’elle finit par perdre. La vie est une garce qui lui a donné une mauvaise main qui l’enfonce chaque jour un peu plus. Puis elle rencontre Elena, qui la supplie d’enlever son fils Tom, qui vit chez son grand-père, afin de le lui rendre. Refusant en bloc au début, Julia y voit ensuite une porte de sortie grâce à l’argent promis en récompense. L’enlèvement se déroule chaotiquement et les évènements vont vite prendre une tournure dangereuse pour Tom et Julia.
Julia est le premier film en langue anglaise d’Erick Zonka (La Vie rêvée des anges), première qu’il complique avec un passage mexicain. L’histoire est celle de Julia (extraordinaire Tilda Swinton), une loseuse magnifique qui ne fait pas les choses à moitié. Qu’il s’agisse de boire à ne plus pouvoir tenir debout, se jeter dans les bras de tout ce qui porte pénis ou encore d’affronter des gangsters mexicains afin de sauver la vie de Tom, elle ne transige sur rien. Le film commence en étude de caractère de cette femme alcoolique qui est en train de brûler sa vie par les deux bouts et refuse de se faire aider, et évolue en thriller aux accents de film noir. A la fin du film, à défaut de trouver une rédemption, elle redécouvrira son humanité.
Gardens of the Night de Damian Harris
Leslie est âgée de huit ans lorsqu’elle est enlevée par deux hommes. Elle va se retrouver captive pendant des années en compagnie de Donnie. Les deux enfants vont être abusés sexuellement et s’échappent de cette réalité dans un monde imaginaire qui n’existe que pour eux. Neuf années plus tard, ils survivent tant mal que bien dans la rue, devant faire face aux fantômes du passé.
Milieu des années 80, deux photographies attirent l’attention de Damian Harris, celle d’une jeune fille de huit ans reproduite sur un litre de lait, portant la mention "disparue", et celle d’un jeune garçon, illustrant un article sur le commerce des enfants. Damian Harris a l’idée de raconter le calvaire d’une enfant enlevée de son point de vue. Comment l’innocence de l’enfance, qui devrait rester sacrée, a été brisée pour Leslie et Donnie, et ce d’une manière tellement subtile qu’elle en est encore plus abjecte. Car non content de violer les corps, il s’agit également d’un abus psychologique bafouant la vie passée pour en créer une nouvelle, basée sur le mensonge et la manipulation. Des scènes chocs difficiles à regarder et à accepter tant il est clair que les faits retracés sont inspirés d’événement passés, présents et futurs. Dans quelle mesure notre vie d’adulte est-elle conditionnée par notre passé, que pouvons-nous y changer ? Comment vivre sous le poids d’un tel fardeau ? A qui faire confiance ? Damian Harris appuie fort sur un douloureux sujet, malheureusement toujours d’actualité, et la jeune Ran Simpkins avec ses longs cheveux blonds et ses grands yeux bleus est la parfaite image d’un ange victime de la bestialité des hommes.
Suite de la compétition demain avec les projections de Avaze Gonjeshk-Ha - The Sonf of Sparrows de Majid Majidi, Elegy de Isable Coixet, Firefiles in the Garden de Dennis Lee sera, lui, montré hors compétition.
États-Unis, 2024
De Rose Glass
Lou, gérante solitaire d'une salle de sport, tombe éperdument amoureuse de Jackie, une ...