Au revoir
Bé Omid é Didar
Iran, 2011
De Mohammad Rasoulof
Scénario : Mohammad Rasoulof
Avec : Leyla Zareh
Durée : 1h40
Sortie : 07/09/2011
Dans la situation désespérée de l’Iran d’aujourd’hui, une jeune femme avocate à qui on a retiré sa licence d’exercer, est enceinte de quelques mois. Elle vit seule car son mari journaliste vit dans la clandestinité. Traquée par les autorités, et se sentant étrangère dans son propre pays, elle décide de fuir...
NOUVELLES FRONTIÈRES
Il est parfois difficile pour un spectateur occidental de voir un film iranien (ou provenant d’un autre pays au contexte politique complexe) de manière complètement innocente ; de ne pas être tenté, consciemment ou non, d’interpréter chaque élément du film et de son récit de manière uniquement politique et revendicative. Il est parfois facile d’oublier qu’un film iranien est aussi avant tout un film comme les autres, c'est-à-dire une œuvre d’art plutôt qu’un tract. Mohammad Rasoulof est l’ « autre » cinéaste iranien (avec Jafar Panahi) à être actuellement menacé de prison et d’interdiction de filmer - Au revoir a d’ailleurs été tourné clandestinement, majoritairement en intérieur, mais le cinéaste le dit d’ailleurs lui-même : « On parle, hélas, beaucoup plus de ce qui entoure les films et pas assez des films eux-mêmes. Je veux être considéré comme un cinéaste qui exerce tout simplement son métier ».
Pourtant, à première vue, il n’est question presque que de politique dans cette histoire de femme trop indépendante cherchant à fuir son pays et son mari. Sa ronde sans fin et sans issue entre une bureaucratie corrompue et des menaces plus franches encore fait peut faire penser au superbe Cercle de Panahi, mais la mise en scène ne pourrait être plus différente. Car là où l’héroïne de ce dernier courait, stressait et s’essoufflait à travers la ville, suivie par une caméra nerveuse, celle d’Au Revoir est au contraire déjà prisonnière dès les premiers plans à la symétrie et au statisme à la fois élégants et étouffants. Le film est en effet une succession de plans fixes, à l’intérieur desquels les personnages semblent accablés, comme résignés face à leur impossibilité de sortir du cadre. Un plan furtif mais impressionnant, vers la fin du film, voit justement apparaitre pour la première fois le mari de l’héroïne, qui surgit dans le cadre en plein milieu d’une scène. Le jury d’Un Certain Regard, qui avait une lourde tache cette année vue l’exceptionnelle qualité de la sélection, ne s’est pas trompé en récompensant le film justement pour sa mise en scène plutôt que de lui donner un prix coup de cœur pour de mauvaises raisons (son sujet, son contexte).
Mais si la mise en scène est bien ce qui tire effectivement le film vers le haut, son scénario suscite un peu moins d’enthousiasme. Pas toujours très bien rythmé et sans grande originalité, il combine paradoxalement une grande économie de dialogues (parfois bienvenue et parfois pénible) et une redondance reloue dans l’utilisation de certains symboles bien surlignés, tel cet aquarium qui fuit, à la fois incapable de retenir l’eau qu’il contient tout en continuant d’être une prison de plus en plus invivable pour la tortue qu’il abrite. Pinailler sur ce manque de subtilité pourrait paraître mal à propos pour un film venant d’un pays où il faut hurler pour se faire entendre, mais on en revient au paradoxe soulevé au-dessus. La rigueur scénaristique est universelle, et un film iranien est aussi un film comme un autre…