Apparition
1971. Les soeurs du Monastère de l’Adoration mènent une existence paisible et isolée, loin de la ville de Manille. La mère supérieure Ruth dirige le lieu et accompagne ses consoeurs dans leurs prières et leurs rituels quotidiens, fière de les protéger des vicissitudes du monde extérieur. La jeune Lourdes, ordonnée depuis peu, a rejoint le monastère et découvre la vie recluse. Peu de temps après son arrivée, Remy, une nonne externe, reçoit la visite inattendue de sa mère qui lui annonce la disparition de son frère activiste. En toute discrétion, Remy décide alors d’assister à des réunions de familles dont les proches ont disparus…
Des bonnes sœurs dans un film philippin situé au début de la dictature de Marcos ? Si on avait mauvais esprit, on penserait immédiatement qu’il s’agit là d’un excitant film bis (l’époque du coup d’état correspondant globalement à un certain « âge d’or » de l’utilisation des Philippines dans des nanars américains). Eh bien on aurait tort : si les religieuses en question paraissent tout d’abord béates et débordantes de bonheur, Apparition est tout ce qu’il y a de plus sérieux. Deux jeunes novices pleines de motivation s’y retrouvent confrontées à la guerre civile qui éclate peu à peu autour d’elles. La métaphore du couvent comme bulle coupée du monde fonctionne plutôt bien, mais on a un petit wagon d’avance sur les personnages dans le sens où on se doute bien que le couvent va perdre toute étanchéité face au réel qui gronde au dehors et ne demande qu’à l’envahir. Pour un film qui repose ainsi sur un double suspens (qu’est-il clairement arrivé à l’une des sœurs, et que va-t-il arriver de pire encore à l’autre ?), Apparition prend quand même bien son temps. Un peu trop même. Si le réalisateur a le (bon) goût de privilégier la vraisemblance à un éventuel suspens toc, il manque de nerf autant dans sa mise en scène que dans son écriture pour donner lieu à toute la tension attendue et nécessaire. Ce rythme souvent lancinant n’aide pas à alléger les situations souvent lourdes de symboles (telles que le sang sur la main de la mère supérieure). Il faut attendre le strict dénouement, où les photos d’époque prennent la place de la fiction, pour que le film se départisse de son coté appliqué pour laisser apparaitre une frontalité plutôt bienvenue.