A Touch of Sin
Tian Zhu Ding
Chine, République populaire de, 2013
De Jia Zhang Ke
Scénario : Jia Zhang Ke
Durée : 2h15
Sortie : 11/12/2013
Dahai, mineur exaspéré par la corruption des dirigeants de son village, décide de passer à l'action. San'er, un travailleur migrant, découvre les infinies possibilités offertes par son arme à feu. Xiaoyu, hôtesse d'accueil dans un sauna, est poussée à bout par le harcèlement d'un riche client. Xiaohui passe d'un travail à un autre dans des conditions de plus en plus dégradantes. Quatre personnages, quatre provinces, un seul et même reflet de la Chine contemporaine : celui d'une société au développement économique brutal peu à peu gangrenée par la violence...
PÉCHÉ MORTEL
Croyez-le ou non: le nouveau Jia Zhang-Ke (lire notre entretien) s'ouvre par une scène d'action. Du neuf dans le paysage du grand formaliste chinois ? Oui. La violence dont parle Jia Zhang-Ke dans A Touch of Sin était déjà présente dans certaines de ses oeuvres, mais elle s'est rarement exprimée aussi frontalement. Si dans ce nouveau film les coups de feu se fondent dans de splendides feux d'artifices lancés dans le ciel, l'heure n'est plus à la métaphore d'une Chine mutante où la violence sociale est un sous-texte. Ici, on tranche, on explose, le sang gicle sur le visage et tache les vêtements.
La principale surprise de A Touch of Sin est de voir Jia Zhang-Ke faire de réguliers détours vers le film de genre. Mieux, il explore différents genres dans ses histoires successives, du western à cowboy solitaire au rape & revenge féminin. A chaque fois, des éclats formels, un électrochoc magnifié par le travail remarquable du chef opérateur Yu Lik-Wai. On pense notamment à la scène du sauna et à son dénouement sur le bitume tandis que la nuit est éclairée par quelques phares de voitures.
"Tu as du fric, et alors ?", entend-on dans l'établissement à bains. Cette scène offre le remake d'un des morceaux de bravoure de Plaisirs inconnus: mille fois une jeune femme tentait de sortir d'un bus, et mille fois elle était repoussée. Ici, on gifle un visage avec une liasse de billets et l'on finit par ne plus compter le nombre d'impacts. Mais dans A Touch of Sin, on ne se laisse plus faire. La touche de péché promise par le titre est un bel euphémisme dans ce décor insensé, déshumanisé, traversé par des chevaux de sang et des serpents venimeux.