A Girl at My Door
Dohee-Ya
Corée du Sud, 2014
De July Jung
Scénario : July Jung
Avec : Doona Bae, Sae Ron Kim
Durée : 1h59
Sortie : 05/11/2014
Young-Nam, jeune commissaire de Séoul, est mutée d'office dans un village de Corée. Elle se retrouve confrontée au monde rural avec ses habitudes, ses préjugés et ses secrets. Elle croise une jeune fille, Dohee dont le comportement singulier et solitaire l'intrigue. Une nuit, celle-ci se réfugie chez elle…
PRISON POUR FEMMES
A Girl at my Door a beau être le tout premier film de sa réalisatrice (lire notre entretien), suffisamment de bonnes fées se sont penchées sur son berceau pour le placer d’emblée sur le radar des cinéphiles. D’abord le réalisateur Lee Chang-Dong, maître ès mélos élégants (de Oasis à Poetry) et ici producteur, puis du côté du casting : la star Bae Doo-Na (et sa filmographie à tomber : The Host, Cloud Atlas, Air Doll, Sympathy For Mr Vengeance…) et la jeune première Kim Sae-Ron, qui avait justement crevé l’écran à Cannes il y a cinq ans dans Une vie toute neuve, un autre premier film de réalisatrice produit par… Lee Chang-Dong! Les deux comédiennes sont à la hauteur de leur talent, elles portent le film en incarnant des personnages pas évidents en évitant les facilités (mention spéciale au festival de mutisme bougon de Kim Sae-Ron, tout en nuance). Mais quitte à jouer des comparaisons, il y a dans Une vie toute neuve, comme dans les films réalisés directement par Lee Chang-Dong, une façon de dégraisser les récits mélodramatiques, une grâce et une économie qui n’empêchent jamais l’émotion. La formule magique est ici un peu plus bancale, et l’on oublie rarement que l’on est en plein film coréen : on crie, on souffre, on se fait tabasser même quand on est une enfant, et on désespère à s’en frapper la tête contre les murs, littéralement.
Mais la réalisatrice July Jung demeure plus habile que ce petit sentiment de déjà-vu. A Girl at my Door est un film avec de policiers... mais n’est pas pour autant un film policier, et cela change déjà tout. Moins Thelma et Louise que « Cosette et Jean Valjean », le film féminise le schéma classique du flic et de l’enfant, et offre à Bae Doo-Na un personnage faussement convenu de femme flic alcoolique. Une vraie femme supérieure qui, dès son arrivée dans ce village de neuneus, arrête le crime d’une seule main sans jamais perdre son sang-froid. Et surtout, A Girl at my Door se permet le culot ultime pour un film coréen : parler d’homosexualité. Féminine. Et la montrer. Sans la condamner. Sérieusement, combien de films coréens gays avez-vous vus ? On peut citer les films de Song Hee-il Lee (White Night, Night Flight) mais ceux-ci sont particulièrement peu optimistes. De la part d’une société où l’on peut encore se faire totalement exclure socialement pour être homo, un film mainstream, avec des stars, qui traite de la question (certes de manière secondaire, mais sans tergiverser), c’est déjà une bonne surprise. Ce n’est pas la seule audace d’un film qui se permet un happy end absolument immoral, où la police apparait comme un frein à l’épanouissement personnel de chacun, que l’on soit travailleur immigré, lesbienne ou enfant battu. Gonflé.