3.11 Sense of Home
Japon, 2011
De Catherine Cadou, Shunji Dodo, Victor Erice, Pedro González-Rubio, Bong Joon-Ho, Naomi Kawase, Leslie Kee, So Yong Kim, Isaki Lacuesta, Jonas Mekas, Kaori Momoi, Mohd Naguib Razak, Takushi Nishinaka, Wisut Ponnimit, Ariel Rotter, Steven Sebring, Patti Smith, Kazuhiro Sôda, Apichatpong Weerasethakul, Toyoko Yamasaki, Jia Zhang Ke, Ye Zhao
Durée : 1h05
A la demande de Naomi Kawase, en hommage aux victimes du séisme et du tsunami du 11 mars 2011, 21 cinéastes et artistes du monde entier ont produit chacun un court métrage d’une durée de 3 minutes et 11 secondes sur le thème de la maison. Ils parlent du sens universel de la famille, au-delà des frontières et du temps.
AND IT FEELS LIKE HOME
Le casting, intrigant, réunit le Thaïlandais Apichatpong Weerasethakul, le Chinois Jia Zhang-Ke, la Japonaise Naomi Kawase, le Coréen Bong Joon-Ho, en passant par l'Espagnol Victor Erice ou l'Américaine Patti Smith. En quoi partagent-ils ce sense of home décliné en 21 courts métrages ? On sait que l'exercice dit de l'omnibus, où l'on rassemble divers courts métrages sur un même thème, est souvent une tâche complexe, répétitive, forcément inégale. Mais le thème est large et universel, et appelle diverses interprétations. Il y a, évidemment, des ratés. Le court de Victor Erice ressemble à tract lourdement pédagogique sur les dangers du nucléaire, appauvri par son dispositif digne d'une pub Madrange (Ana Torrent, dans sa loge, est appelée sur scène mais va d'abord se confier à son ordinateur, sans jamais que ce monologue dans le vide ne soit justifié). Autre écueil, la réalisatrice Toyoko Yamasaki (découverte avec le délicat et prometteur Bion) a une jolie idée en suivant quelques vieux qui se réunissent pour participer à un théâtre de kamishibai, mais son court ressemble à un long métrage compressé en trois minutes, sans respiration, sans harmonie - un court métrage n'est pas la bande annonce d'un film plus long.
Certaines œuvres choisissent la représentation premier degré du drame. Takushi Nishinaka évoque la région de Tohoku, directement frappée par la catastrophe. Leslie Kee filme les ruines du désastre et suggère, en quelques fondus enchainés, une renaissance. L'actrice Kaori Momoi (vue chez Kurosawa, Imamura et Sokourov), reconstitue le tremblement de terre chez elle (démarche casse-gueule au bord de la parodie). En marge des tentatives métaphoriques (le poème lu par Patti Smith) qui flirtent même avec le hors sujet (Bong Joon-Ho, Jonas Mekas), quelques essais simples font mouche. L'Américano-coréenne So Yong Kim filmant une chambre d'enfant remplie de babillages et pleurs de bébé qui viennent d'ailleurs. Le Japonais Shunji Dodo qui se plonge dans ses photos de famille. Son compatriote Kazuhiro Sôda qui filme des maisons dans une maison: niche de chien, nid d'oiseau, chat qui est partout chez lui. Plus épuré encore: chez Apichatpong Weerasethakul, on se love et on regarde une mite.
Pour d'autres, la maison est un corps. En mouvement chez l'Espagnol Isaki Lacuesta (primé l'an passé San Sebastian), trois générations, trois modèles nus et une marche en avant. Pour le Mexicain Pedro Gonzalez-Rubio (Alamar), un corps nu, celui de sa compagne. "Nos maisons seront des ruines dans le futur". Le foyer est déplacé, c'est le corps du conjoint, ou celui d'un parent, qui est la maison. Une maison tout aussi éphémère mais plus viscérale.
Deux courts métrages se distinguent particulièrement de l'ensemble. Celui, mystérieux et elliptique, de Jia Zhang-Ke, porté par la puissance évocatrice de ses images (un massage littéralement enflammé) ainsi que leur qualité plastique. Celui, surtout, de Naomi Kawase (lire notre entretien ici). Rien de nouveau dans la grammaire kawasienne (film en Super 8, vent dans les herbes, présence des aïeux), mais son œuvre dépouillée exprime au mieux ce qu'est la maison, avec la grâce hypersensible qui habite ses longs métrages. La maison est déjà une des questions principales de sa filmographie. En creux, un autoportrait: traverser la vie. En 3 minutes chrono, son court métrage parvient à être bouleversant.
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3.11 Sense of Home fait partie du programme Paysages du cinéma japonais, présenté à la Maison du Japon. Tous les détails en cliquant ici.