City of Darkness
Walled In : Twilight of the Warriors
Hong Kong, 2024
De Soi Cheang
Scénario : Soi Cheang
Avec : Louis Koo
Photo : Siu-keung Cheng
Musique : Kenji Kawaï
Durée : 2h05
Sortie : 14/08/2024
Dans les années 80, le seul endroit de Hong Kong où la Loi Britannique ne s’appliquait pas était la redoutable Citadelle de Kowloon, une enclave livrée aux gangs et trafics en tous genres. Fuyant le puissant boss des Triades Mr. Big, le migrant clandestin Chan Lok-kwun se réfugie à Kowloon où il est pris sous la protection de Cyclone, chef de la Citadelle. Avec les autres proscrits de son clan, ils devront faire face à l'invasion du gang de Mr. Big et protéger le refuge qu'est devenue pour eux la cité fortifiée.
GANGSTERDAMMERUNG
Bien que City of Darkness ne soit pas un titre français un peu bêta et passe-partout mais le titre du roman (et du manhua) dont le film est tiré, comment ne pas lui préférer le titre anglais (qui n'est donc pas la traduction littérale du titre chinois) avec son improbable renvoi donc au Crépuscule des dieux de la mythologie nordique popularisé par l'opéra de Wagner? Non seulement est-il plus poétique mais surtout plus approprié à une œuvre qui revêt régulièrement des atours opératiques pour raconter justement la fin d'un règne. Nul besoin d'avoir connaissance de la réalité géopolitique de Hong Kong dans les années 80, la rétrocession qui était alors à venir est au cœur de l'intrigue, présentée comme une toile de fond mais sans équivoque (on a droit à un JT qui fait état de l'annonce de 1984) avec sa conséquence inéluctable : la cité de Kowloon sera éradiquée. N'étant pas au fait de la situation et des courants actuels, on se garde bien d'en déduire un quelconque propos politique pour se concentrer sur ce que le film en fait narrativement. Le scénario exploite les codes éculés du film de gangster, dans ce qu'ils peuvent avoir de plus mélodramatique pour ne pas dire soap opera (on y revient), afin de symboliser par la trajectoire de ses protagonistes les craintes et les réactions liées à ce changement drastique. En effet, les personnages ont tous un passé, familial ou clanique ou traumatique, qui semble dicter leur destin et le récit ne relate en somme que les tentatives en apparence désespérées de ces résidents d'un taudis à reprendre la main sur leur sort.
Et quel meilleure manière de mettre ça en œuvre que par le biais d'un film de baston bien fâché? Le tour de force n'est même pas de proposer des scènes d'action vénère à la chorégraphie à la fois élégante et terre-à-terre et au découpage dynamique, mais de s'imposer dans chacune d'elles l'exploitation du décor simili-post-apocalyptique de la si particulière cité de Kowloon. On parle d'un taudis labyrinthique et décrépi dont chaque recoin est cinégénique, propice à l'inventivité dans l'écriture de l'action. Une ruelle exiguë par ci, un vis-à-vis très proche par là, des trous béants dans le sol entre deux étages ou des câbles pleuvant dans chaque interstice, tous les éléments y passent, notamment dans la verticalité, pour mieux permettre aux combattants d'évoluer et de survivre ou de se piéger. L'action au sein de ce décor raconte à elle seule toute l'histoire. Et comme si ça ne suffisait pas, plus le film avance, plus l'action se déréalise. Il y avait déjà un ralenti de film indien sur une clope au début, à la fin l'antagoniste semble carrément doté de super-pouvoirs. Si l'ensemble est un poil long et un peu trop cliché, la galerie de personnages charismatiques et attachants avec leurs gimmicks, la tatane réjouissante et la réalité de l'époque qui incarne le tout composent un cocktail franchement réjouissant.