Journal de bord du Festival de Cannes #2

Journal de bord du Festival de Cannes #2

On arrive doucement au tiers des festivités. Une bonne quinzaine de films au compteur et une impression d’ensemble de cru exceptionnel annoncé qui tient toutes ses promesses.

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Au soir du quatrième jour, la Croisette n’a pas encore frissonné du buzz dont elle a le secret. Celui qui parcourt les allées comme une traînée de poudre, de files d’attente en files d’attente. « Quoi ? Tu n’as pas vu l’Afghan ? ». Même si certains nouveaux entrants pointent le bout de leur nez. On pense à l’Américain Michael Angelo Covino qui a enthousiasmé la salle Debussy en sélection Un Certain Regard avec une bromance très attachante entre deux amis (à la ville aussi), le réalisateur lui-même et Kyle Marvin. Le film s’appelle The Climb et Metropolitan a arraché les droits au forceps. Il faut dire que les occasions de rire sont rares à l’Officielle alors quand elles se présentent avec de si belles intentions, il ne faut pas les rater. Covino/Marvin de la graine de révélation(s).

Autre salle, autre ambiance à la Semaine de la Critique avec le seul film français de la compétition, le film d’animation de Jérémy Clapin J’ai perdu mon corps. L’histoire d’une main séparée de son propriétaire dont on suit la recherche initiatique de son corps originel. C’est poignant, d’une beauté formelle saisissante pour un premier film, et sans doute le scénario le mieux écrit de tout ce que l’on a vu à Cannes depuis le début. Rendez-vous est pris en salles et aux César à n’en pas douter.

Mais revenons à la compétition, pas d’épouvantail encore choisi même si Douleur et Gloire de Pedro Almodovar rassemble quasi tous les suffrages nationaux et étrangers (seul Eric Neuhoff fait de la résistance à en croire le tableau des étoiles). Attention à ce qu’Antonio Banderas n’empêche pas l’ibérique de remporter une Palme annoncée et méritée (le règlement du Palmarès interdit dorénavant le film palmé de cumuler quelconque autre prix). Même si le réalisateur témoigne d’une sérénité sans doute jamais atteinte dans son cinéma, on restera quand même aux aguets en deuxième semaine d’une plus grande œuvre qui pourrait surgir. Avant même d’entamer la suite des réjouissances, un chouchou a d’ores et déjà débarqué dans nos cœurs en la personne du Chinois Diao Yi’nan. Après l’Ours d’or glané en 2014, il vient armé du splendide Le Lac aux oies sauvages. Dans une mise en scène virtuose, le réalisateur de Black Coal y assène quelques fulgurances époustouflantes dans un film de genre très pluvieux, l’histoire d’un fugitif lancé dans une quête de liberté impossible. Quelques scènes qui resteront déjà dans notre panthéon 2019 (la scène dite du « parapluie » par exemple qui fera date pour de nombreux spectateurs). Enchaîner l’Ours d’or et la Palme d’or avec deux films consécutifs, un exploit sans doute jamais performé.

A part ça en parallèles, deux films français de très haute tenue ont saisi la Quinzaine des Réalisateurs. Zombi Child de Bertrand Bonello qui réussit l’exploit d’étaler encore un peu plus ses talents de filmeur hors pair entre-mêlant histoires de vaudou haïtien, de jeunesse française ultra-contemporaine et de mythologie zombie (autrement plus finement que chez Jim Jarmusch).

Et puis surtout Alice et le Maire de Nicolas Pariser, qui après Le Grand Jeu confirme son statut d’auteur majeur avec une impériale Anaïs Demoustier et un Fabrice Luchini à son meilleur des lustres. Le film nous plonge dans la vie politique municipale lyonnaise (après le merveilleux Grâce à Dieu, il fait bon tourner chez le Primat des Gaules en 2019). Sans doute le meilleur film politique français depuis L’Exercice de l’Etat de Pierre Schoeller.

par Thomas Gastaldi

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