Journal de bord du Festival de Cannes #1

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La météo comme les (faux) espoirs nourris en abordant ce 72e Festival de Cannes risquent de nous jouer des tours cette année.

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On nous avait prédit des torrents de pluie. On nous avait promis un cru exceptionnel. Après deux jours dans les jambes, force est de constater que la crème solaire est de rigueur alors que pour les chocs « telluriques » dans les salles, on va attendre un petit peu.

Après les quatre premiers films en compétition, et quelques noms sur le papier qui aiguisaient pas mal la curiosité depuis des semaines, Kleber Mendonça Filho, Jim Jarmusch et les nouveaux entrants hexagonaux Ladj Ly et Mati Diop, la grisaille reste de mise.

L’Américain Jarmusch et le brésilien Mendonça Filho (avec son coréalisateur Juliano Dornelles) ont commis tous deux à leur façon deux pamphlets politiques de leur nation nourricière. Pour son « film de zombies » The Dead Don’t Die, le grand grisonnant Jim a rameuté un cast à la Jarmusch : Bill Murray, Adam Driver, Tilda Swinton, Danny Glover, Steve Buscemi, Chloe Sevigny, Iggy Pop, RZA. L’ouverture était belle, l’affiche annonciatrice d’un important dispositif de diffusion/sortie simultanée dans plus de 500 salles françaises. Le film, lui aussi en compétition comme Todos lo saben (Asghar Farhadi) en 2018, n’a que très peu goûté à la comparaison de ses illustres modèles du genre. De George A. Romero en passant par le récent phénomène TV The Walking Dead, Jarmusch la joue « paresse 3000 » reléguant les moments de grâce aux seules et rares scènes avec Tilda Swinton. Un peu léger comme lancement en grande pompe.

Même son de cloche pour le Brésilien Bacurau, nouveau Kléber Mendonça Filho dont je n’étais pas le premier défenseur des deux premiers Les Bruits du Recife et Aquarius, force est de constater que Bacurau est un remarquable geste de cinéma, osé sans peur ni reproche, que la presse internationale a semble-t-il déjà choisi comme chouchou, bien heureuse de voir un tel brûlot politico-fantastique d’anticipation dans la catégorie reine.

Fort heureusement (pour moi), aux premières heures du Festival, la furia Ladj Ly a pris possession de la Croisette. Avec Les Misérables, Cannes 2019 a connu son premier soubresaut. Impressionnante variation du film de banlieue, près de 25 ans après La Haine de Kassovitz, la figure de proue des Kourtrajmé a mis quasi tout le monde d’accord. Un souffle nouveau couplé d’un élan d’authenticité et de témoignage contemporain, comme autant de cœurs dans nos yeux déjà fatigués face à ce thriller embedded avec la BAC de Montfermeil. Il y a du Audiard/Bidegain dans l’écriture et du Richet bonne période dans ce qu’il se dégage comme puissance filmique.

On ne criera pas le même enthousiasme avec Atlantique de Mati Diop, premier long métrage poseur sous « Claire Denis influence ». Même si une grande cinéaste a l’air de pointer le bout de son nez, on regrettera un certain manque de spontanéité que le sujet très personnel – une love story dans la jeunesse sénégalaise sur fond de crise des migrants – méritait.

Mis à part ça en parallèles, la Quinzaine s’est bien ouverte avec une comédie réussie, Le Daim avec Jean Dujardin et Adèle Haenel, tous deux très à l’aise dans l’univers de Quentin Dupieux (Rubber, Au Poste !) et l’Islandais Hlynur Palmason, après son impressionnant Winter Brothers (présenté à Locarno) nous a un peu déçu à la Semaine de la Critique avec A White White Day, un vengeance drama plus glacé que glaçant dont le rythme et la mise en scène ne retrouvent pas l’ampleur aperçue dans le premier.

par Thomas Gastaldi

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